L’édifice blanc se dresse sur les hauteurs de Ploumanac’h à Perros-Guirec. Pour pénétrer dans l’antre du sémaphore, il faut montrer patte blanche. Contrôle d’identité à l’entrée du portail sécurisé. Nous sommes en zone militaire.
Serge Le Goff, chef de poste, nous ouvre les portes de la bâtisse. Le militaire grimpe l’escalier d’un pas bon pas pour accéder à « la passerelle », le centre névralgique des lieux. Une pièce d’une vingtaine de mètres carrés, aux larges baies vitrées. Ici, l’océan s’étend à perte de vue. Malgré les nuages noirs qui s’abattent sur l’archipel des Sept-Îles, le paysage est splendide.
« La vue est sympa », reconnaît Serge Le Goff, en admirant la grande bleue. La mer est le terrain de jeu des guetteurs sémaphoriques. Leur zone de surveillance s’étend de l’île de Batz à celle de Bréhat.
Le sémaphore perrosien, classé en seconde catégorie, assure une surveillance quotidienne et diurne, du lever au coucher du soleil. En cette période hivernale, les journées sont plus courtes pour les militaires. Elles n’en sont pas moins rythmées.
Concentration
La surveillance de l’espace maritime, terrestre et aérien demeure l’une des missions premières des sémaphoristes. Ces sentinelles des mers scrutent en permanence l’horizon pour veiller à la sécurité du trafic. Romain assure son quart, concentré. Chaque navire qui passe sur la zone est identifié. Comme l’Atlantic Laurel qui apparaît à l’écran.
L’un des ordinateurs est connecté à l’outil Spationav, qui signale en temps réel les bateaux présents sur la zone, avec des indications sur chacun. L’Atlantic Laurel vient d’Alger et fait route vers Rouen. « C’est un navire de transport de matières dangereuses, il navigue à vide. Il va chercher sa cargaison », précise Serge Le Goff.
Et Romain de poursuivre :
On vérifie si sa route est cohérente. S’il n’y a pas de comportement suspect, erratique, s’il s’arrête ou s’il a des mouvements d’embarcation. »
Les informations importantes sont relayées au centre opérationnel de la marine à Brest. « On est là pour reconnaître, identifier et rendre compte sinon on ne sert à rien », avance le chef de poste.
Des navires aux hommes
Aux missions de défense, se mêlent aussi celles de sauvegarde.
On est là pour protéger les individus et l’environnement »
Ce qui comprend la sauvegarde de la vie humaine, le respect des réglementations de navigation et des arrêtés d’interdiction de pêche ou encore la prévention des pollutions maritimes.
Chaque guetteur connaît parfaitement la zone : les courants, les cailloux… Une connaissance nécessaire pour repérer les dangers et informer. La maîtrise de l’anglais demeure d’ailleurs indispensable.
Une cinquantaine de cargos passent par la zone chaque mois. « Il y a aussi une activité de pêcheurs plaisanciers soutenue », ajoute Serge Le Goff. Et l’été, cette dernière monte en puissance. Tout comme les activités nautiques. « On doit voir toute personne en détresse », insiste Romain, toujours sur le qui-vive. Les sémaphoristes travaillent ainsi en collaboration étroite avec le Cross (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage), chargé de coordonner les opérations de sauvetage.
Les guetteurs s’avèrent toujours en mouvement, jonglant entre les différents outils à leur disposition, pas seulement informatiques.
« On a toujours une oreille et un regard attentifs »
Romain se saisit des gigantesques jumelles pour scruter l’horizon, jette un coup d’oeil rapide au radar. À l’affût du moindre mouvement. La veille se révèle aussi auditive, via les fréquences radio civiles et militaires.
Effectif renforcé
Le sémaphore s’appuie sur une équipe de cinq marins. Dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire 2019-2025 qui prévoit un renforcement de la surveillance maritime et la montée en puissance des sémaphores, le site perrosien va voir son effectif renforcé avec l’arrivée d’une personne supplémentaire cette année, avant l’été au plus tard. « On sera plus sereins. On va gagner en robustesse et en souplesse », se réjouit Serge Le Goff.
Les guetteurs assurent des gardes de 48 h ou 72 h. Outre leurs quarts à la passerelle (deux à trois par jour), ils entretiennent le bâtiment et le matériel. En mouvement, toujours.