Le jardin-forêt de la Bibliothèque nationale de France, ici en travaux en 1994, a laissé place à une reproduction miniature du massif de Fontainebleau (©LaRep77)
Vous connaissez sans doute ses quatre tours en forme de livres ouverts qui se dressent non loin du quartier de Tolbiac, à Paris (XIIIe). Certains d’entre vous ont peut-être même arpenté ses couloirs ou investi ses salles de travail.
Inauguré le 30 mars 1995 par François Mitterrand, le site de la Bibliothèque nationale de France (Bnf), situé quai François Mauriac, rassemble plus de 20 millions de documents en tous genres (lire encadré). Mais ce ne sont pas les seules richesses qu’il abrite.
Au cœur de l’édifice, se niche en effet un écosystème inattendu : un jardin-forêt dont les origines ne laisseront pas insensibles les Seine-et-Marnais. Et pour cause.
Le 25 juillet 1994, La Rep annonce la couleur à sa une : « Bibliothèque de France, la forêt de Fontainebleau au cœur du projet ».
Dominique Perrault, l’architecte du site alors en travaux, a en effet l’idée d’associer le symbole de l’arbre à celui du livre : « (Il) prévoit une sorte de reproduction du célèbre massif sur un patio de 12 000 m2, racontent nos collègues. Cette énorme cour intérieure sera plantée de diverses essences d’arbres, dont certaines proviennent de Seine-et-Marne ou de la forêt de Bord en Normandie. »
Rochers, sable et maxi-lézard
Si les fûts cinquantenaires ont été entretenus en pépinières en Normandie, avant d’être acheminés par camion dans la capitale, d’autres aménagements envisagés étaient directement inspirés du massif seine-et-marnais, le plus grand d’Ile-de-France.
« La reconstitution des lieux prévoit également les fameux rochers qui ont rendu le massif bellifontain légendaire, poursuit La Rep. Ainsi que ses mers de sable et quelques animaux comme des écureuils et des oiseaux. »
Une universitaire avonnaise, Edith Kosmanek, proposa même, avec humour, « que l’on tente d’y introduire un animal fort rare, mais néanmoins présent dans le massif : le maxi-lézard vert, plus connu comme l’iguane de Fontainebleau. »
Si le reptile ne mettra jamais les pattes à Paris, les 126 pins sylvestres plantés à l’origine, les chênes, bouleaux et autres bruyères qui peuplent la forêt de Fontainebleau y prendront bien racine.
Ils forment « l’horizon de l’intérieur des salles de lecture ouvertes au grand public au premier étage, et réservées aux chercheurs au rez-de-chaussée », décrit votre canard préféré en 1994. Avant de corriger : « Au rez-de-forêt devrait-on dire. » Ce sera en fait le célèbre « le rez-de-jardin ».
Les salles de lecture et de recherche donnent sur le jardin (©LaRep77)
Aujourd’hui, le site internet de la Bnf retrace lui aussi cet incroyable projet devenu réalité : « Ce morceau de forêt, reconstitué à l’image de celle de Fontainebleau […] occupe les trois-quarts des 10 600 m2 dédiés au jardin, tandis que le quart restant est recouvert d’un gazon. »
Un véritable écosystème
Depuis, des fougères, jacinthes, géraniums et faux fraisiers sont venus garnir les lieux, par ailleurs entretenus sans produits chimiques. Le jardin est notamment géré grâce à l’éco-paturâge et à la présence de chèvres.
La BnF s’est également associée à la Ligue pour la protection des oiseaux. Elle a installé deux nichoirs au sommet d’une des tours de la bibliothèque pour accueillir des faucons pèlerins. Un couple d’éperviers a aussi élu domicile dans les arbres du jardin.
En 2013, après un inventaire de quatre ans, le Muséum national d’histoire naturelle recensait pas moins de 58 espèces de plantes, 20 espèces d’araignées, 8 espèces de papillons et 13 espèces d’oiseaux.
Symbole, s’il en est, que le projet mis en place il y a 16 ans a bien poussé.
La BnF, ce mastodonte
Avant de devenir un véritable écosystème à échelle réduite, il ne faut pas oublier que la BnF est la plus grande bibliothèque de France et compte parmi les plus importantes du monde.
La Rep du 25 juillet 1994 dressait déjà un bilan chiffré ahurissant : « 2 900 000 m² de planchers, 400 km linéaires de rayonnages, 850 000 volumes en libre accès, 10 millions de volumes en magasin, 650 000 titres périodiques, 1 200 000 images fixes, 80 000 heures d’images animées ou encore 600 000 heures de documents sonores ». Bref, de quoi faire tourner les têtes des mordus d’arithmétique !
Vingt-cinq ans plus tard, la collection de ce mastodonte a bien grossi. En témoignent les quelque 40 millions d’ouvrages référencés qui dorment dans ses entrailles.
Autres différences avec 1994 : les chiffres de fréquentation. Peu de temps avant son ouverture, les gestionnaires des lieux attendaient « la visite de près de 3,6 millions de personnes chaque année ». De nos jours, la BnF en accueille deux fois moins. Malgré tout, elle reste la plus visitée de l’Hexagone…
Pratique. Fermé au public, le jardin ouvrira néanmoins ses portes les 8 et 9 juin 2019 à l’occasion des Rendez-vous du jardin.
Maxime BERTHELOT avec Jérôme LEMONNIER