1897. Edmond Rostand a 29 ans mais plus d’argent et encore moins d’inspiration. Il est dépassé par les succès du théâtre de boulevard signés Feydeau. Lui qui s’obstine à écrire en vers est un peu la risée de la profession. C’est pourtant alors que Cyrano de Bergerac, la pièce de théâtre la plus populaire et représentée depuis du répertoire français, va voir le jour en quelques mois.
Sur cette trame-là, Alexis Michalik écrit un scénario qui va gentiment tordre le cou à l’histoire pour nous plonger avec délices et sans retenues au cœur des affres de la création artistique. Le grand comédien Coquelin l’aîné (Olivier Gourmet, magnifique) souhaite un rôle qui lui permette de manier l’épée.
La passion du théâtre
Pour cela, la grande Sarah Bernhardt (Clémentine Célarié, délicieuse) lui présente Edmond Rostand. Mais le temps imparti pour écrire la pièce et la monter est des plus courts. Sans compter sur les tracasseries administratives et les caprices de divas, en particulier ceux de Maria Legault (Mathilde Seigner, plus vraie que vraie) qui doit être la future Roxane.
De plus la pièce, en 5 actes, nécessite d’énormes moyens en costumes et personnages. Et pourtant, au cœur de la tempête, la passion du théâtre gronde encore plus fort car elle est dans l’âme même de tous ces acteurs qui n’ont de raison de vivre que sur les planches.
Avec une caméra virevoltante
En un peu moins de deux heures, Alexis Michalik nous immerge dans cette tourmente qui voit naître un chef-d’œuvre. Il le fait d’une manière virtuose, avec une caméra virevoltante qui ne nous accorde aucun répit. Il faut dire que ce réalisateur porte en lui ce film depuis une quinzaine d’années (il a 37 ans !).
Entre-temps, il s’est largement professionnalisé dans le métier théâtral et n’a donc pas eu de mal à en appréhender cet univers et le saisir dans cette Belle Epoque qui sert de décor à son film. Son Edmond est le jeune Thomas Solivérès, celui qui vient d’être Spirou pour le grand écran mais qui fut, surtout, Harold aux côtés de la Maud de Line Renaud au théâtre. Il a l’âge exact du rôle, il en a la candeur spontanée, la volonté chevillée au corps.
Suspense, émotion et humour
C’est lui la tour de contrôle de cette troupe improbable qui, au mépris de la loi, va créer le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre au Théâtre de la Porte Saint-Martin, une comédie héroïque dans une incroyable veine romantique. Thomas Solivérès conforte ici une stature de comédien sur lequel il est urgent de compter.
A noter aussi la présence plutôt convaincante à l’affiche de Tom Leeb, le fils de, dans le rôle de Christian. Allez applaudir cette déclaration d’amour au théâtre ! Suspense, émotion, humour vous attendent les bras grands ouverts.
Robert Pénavayre
« Edmond ».
Réalisateur : Alexis Michalik.
Avec : Thomas Solivérès, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner…
Durée : 1h49.
Genre : comédie
Alexis Michalik transforme tout en or !
Né en France d’une maman britannique et d’un papa peintre d’origine polonaise, le jeune Alexis est en fait un pur parisien. Malgré sa réussite au concours d’entrée, en 2003, au Conservatoire national d’art dramatique, il fait demi-tour afin de prendre son temps pour monter son premier spectacle, une libre adaptation du Mariage de Figaro qui est créée en 2005 au Festival off d’Avignon. Ce jeune homme, particulièrement pressé de réussir, débute sur les planches en 2001, il a alors 19 ans, dans le rôle-titre masculin du Juliette et Roméo que monte alors Irina Brook à Chaillot. Excusez du peu ! La suite est une véritable success-story vertigineuse. Cet acteur, metteur en scène, comédien, dramaturge pour le théâtre et la télévision, aujourd’hui réalisateur et scénariste pour le cinéma, accumule depuis 2014… les Molières. A quand un César ?
La bande-annonce :