Maître Édouard Martial © Jean-Claude Bonnemère
Jean-Paul Gouzou est reconnu coupable de l’assassinat le 3 mars 2017 à Gorses, de Djeneba Bamia, 37 ans, son épouse avec qui il était en instance de divorce.
Jean-Paul Gouzou : seul responsable
« Je m’appelle Djeneba, je suis née au Mali, j’ai tout quitté pour l’homme que j’aimais… » déclare Frédéric Almendros à l’entame de son réquisitoire. L’avocat général replace ainsi la victime au centre du procès et fait part de ses regrets de ne pas avoir entendu de demande de pardon, de la part de l’accusé qui l’a assassinée le 3 mars 2017, dans la cour de la ferme au lieu-dit Le Theil, commune de Gorses. Ensuite, il dénonce les « facilités » qui ont émaillé ce dossier, notamment les accusations portées à l’encontre de l’institution judiciaire.
Frédéric Almendros reprend dans le détail les interventions de la justice. Il mentionne notamment la plainte du 12 mars 2016, lorsque Djeneba a été tirée du lit par les pieds, laquelle a abouti à un rappel à la loi. Il revient sur l’ordonnance de protection judiciaire, imposant à Jean-Paul Gouzou de restituer les armes en sa possession, ordonnance qui ne pouvait être renouvelée, sans élément nouveau porté au dossier. « Les procédures n’ont pas été négligées et les réponses pénales ont été adaptées aux informations transmises au Parquet ! » scande-t-il. Plusieurs communications parues dans les médias pointaient de soi-disant « dysfonctionnements dans l’appareil judiciaire ». Frédéric Almendros précise : « Djeneba elle-même faisait savoir, un mois avant le drame : « la situation s’est apaisée ».
L’avocat général le proclame : « Le seul responsable de ce drame, c’est Jean-Paul Gouzou ! » Quatre jours avant l’assassinat, l’accusé et son épouse avaient été convoqués devant le tribunal des baux ruraux et les échanges s’étaient déroulés sans éveiller d’inquiétude particulière.
Parce qu’il ne voulait pas la perdre ?
« Personne avant le 3 mars 2017, n’avait perçu ce qui allait se passer ! » affirme haut et fort Frédéric Almendros, façon de remettre chacun à sa place et faire taire tous les « on l’avait pourtant dit qu’il allait se passer quelque chose… » Il insiste : « avec lucidité, avec déterminisme, l’accusé a fait en sorte que Djeneba ne vive plus ». Il avait décidé que Djeneba ne devait pas se rendre au Mali avec ses enfants et son nouveau compagnon Jean-Michel Costes.
L’avocat général se tourne vers l’accusé : « Vous n’avez pas entendu la petite voix qui vous disait : arrête ! Djeneba, en revanche, a entendu le premier coup de feu et le second aussi ! » L’accusé écoute, souvent la tête baissée. Les paroles de l’avocat général pleuvent dru.
Qu’est-ce qui fait qu’un homme accomplisse quelque chose d’inhumain ? « Je me suis sacrifié pour les enfants » ; cette expression maintes fois entendue dans la bouche de l’accusé n’est qu’un prétexte, aux yeux de l’avocat général. Selon lui Jean-Paul Gouzou s’est noyé tout seul !
L’accusé est dépeint tel un tyran domestique, violent, ne serait-ce que par ses paroles ; un mari avec une conception archaïque du couple, un être bourru, froid, sur qui tout a glissé. L’avocat général requiert 25 ans de réclusion criminelle.
Ressortira-t-il vivant de prison ?
C’est maître Sylvia Goudenege-Chauvin qui ouvre les plaidoiries de la défense en citant Sénèque : « Le bon juge condamne le crime, sans haïr le criminel ! » L’avocate regrette qu’on ait cherché à faire de Jean-Paul Gouzou l’homme violent qu’il n’est pas. Elle partage cette recommandation de Victor Hugo : « Braves gens, prenez garde aux mots que vous dites ».
Par touches successives, elle éclaircit le portrait de l’accusé en dépeignant un homme rustre, autoritaire, caractériel, difficile à vivre ; quelqu’un qui n’est pas capable de montrer ce qu’il ressent. Pas plus ! Elle rappelle que Djeneba a passé son permis de conduire et suivi une formation pour devenir chef d’exploitation agricole, ce qui ne saurait faire d’elle une l’esclave, comme cela a pu être rapporté à diverses reprises.
« Effectivement le 12 mars 2016, il sort du lit Djeneba en la tirant par les pieds et trois jours plus tard, elle quitte le domicile conjugal car elle ne veut pas supporter de violences » rappelle l’avocate. Puis elle évoque le passage à l’acte du 3 mars 2017, un geste incompréhensible à ses yeux, au regard du parcours de vie de l’accusé. Maître Goudenege-Chauvin espère que Jean-Paul Gouzou pourra ressortir vivant de prison, pour dire à ses enfants, les yeux dans les yeux : « Je vous demande pardon ».
À la question du malheur, il a répondu par un malheur plus grand encore !
Suit l’intervention attendue de maître Édouard Martial. Dans un premier temps, il évoque la palette des crimes, plus horribles les uns que les autres. Il ponctue cette funeste énumération d’un : « Oui, c’est possible ! » Le crime revêt toutes les formes d’horreur. Et l’avocat d’exprimer l’interrogation qui vient à l’esprit de tous : comment celui qui est mon voisin, qui me ressemble, avec qui j’ai peut-être pris un verre, a-t-il pu basculer dans cette horreur ?
Il se tourne vers l’accusé : « celui que je défends reste un mystère pour moi ; son crime échappe à l’esprit logique ». Comment en effet, ce 3 mars 2017, cet homme qualifié de « très intelligent » a-t-il pu se comporter de la sorte ? Pourquoi à la question du malheur qui se posait à lui, il a répondu par un malheur, plus grand encore ?
L’avocat reprend le fil de l’affaire au moment où Jean-Paul Gouzou et son épouse, après avoir traversé une période de tensions durant la phase de séparation, faisaient part l’un et l’autre d’une situation apaisée…
À ce moment-là survient un nouvel événement dans la vie de Jean-Paul Gouzou : le dépistage d’un cancer. L’avocat se demande comment son client a pu réagir à une pareille nouvelle. À présent seul, avec la maladie qui le surprend, l’annonce du départ de ses enfants pour le Mali, l’a désemparé. « Si vous vous étiez retrouvé dans cette situation et que celle avec qui vous êtes en train de vous séparer vous annonce qu’elle part au Mali avec les petits de 2 ans, 4 ans et 6 ans. Et qu’en faisant des recherches, vous vous rendiez compte qu’il est déconseillé par le Ministère des affaires étrangères de se rendre dans ce pays, en raison de l’insécurité qui y règne, quelle serait votre réaction ? » S’ajoute à cette interrogation le fait que Djeneba faisait partie de l’ethnie des Dogons au sein de laquelle l’excision reste une pratique courante. « Moi je suis inquiet, je tremble ! » s’exclame maître Martial. Il ajoute : « Oui il a raison d’être inquiet Jean-Paul Gouzou». Il avait saisi le juge aux affaires familiales, espérant obtenir une interdiction pour les enfants de quitter le territoire national. C’est l’inverse qui s’est produit. Djeneba a reçu l’autorisation de se rendre au Mali pour un séjour d’une quinzaine de jours. Jean-Paul Gouzou se demande alors comment faire pour que les enfants ne partent pas. « Il ne lui reste que le cerveau pour venir à la rescousse de son inquiétude grandissante ; mais celui-ci est déjà affecté par l’annonce de la maladie. « Ça cogne dans sa tête ! Et c’est comme ça que lui vient l’idée de la tuer ! »
Quand il commence à se développer, le crime ne s’arrête pas !
« Il a tué et doit en répondre ; il a détruit l’avenir de ses enfants, il s’est condamné et il a perdu la propriété de ses parents… Intelligent ? » se demande maître Martial. Ce n’est pas une intelligence qui s’est exprimée, mais le raisonnement « définitivement tordu » d’un homme enfermé dans ses certitudes, sa propre histoire, incapable d’ouvrir les portes ! Le drame de Jean-Paul Gouzou, c’est qu’il ne sait pas recevoir ; c’est un « amputé de la vie » qui ne sait pas davantage partager ses sentiments… À celle qui lui a tant manifesté son amour, s’il s’était donné la peine de lui demander qu’est-ce qui la faisait souffrir, peut-être que tout se serait passé différemment. Il n’a même pas été capable de la menacer, de lui faire peur, pour la dissuader de partir au Mali. Dans sa tête c’était comme une cocotte-minute prête à exploser… Quand il commence à se développer, le crime ne s’arrête pas ! Aujourd’hui, Jean-Paul Gouzou a tout perdu. Son raisonnement était faussé. Les conséquences de son geste ne peuvent plus lui échapper à présent. Alors que dans cette maison, ils pouvaient tout avoir pour être heureux. « L’horreur de ce que vous avez fait vous poursuivra jusqu’au dernier souffle ! » termine-t-il.
Et Jean-Paul Gouzou de livrer ses dernières paroles ; une confession publique, en quelque sorte : Je ne sais pas ouvrir mon cœur, je ne pensais pas lui faire de mal quand je criais sur elle. Si j’avais su faire, on aurait parlé. J’ai le verbe haut, mais je ne suis pas méchant. Je voudrais revoir mes enfants. Je demande pardon à Djeneba et à sa famille ! »
La cour et les jurés se sont retirés avant de réapparaître pour le prononcé du verdict par le président Cyril Vidalie peu avant 16 h 30 : 25 ans de réclusion criminelle. La qualification d’assassinat a été retenue. À l’issue de l’audience civile, il a été prononcé la déchéance de paternité de Jean-Paul Gouzou. Les intérêts civils seront arrêtés ultérieurement.
Jean-Paul Gouzou dispose de 10 jours francs pour interjeter appel.
JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE
La synthèse de ce procès sera publiée dans La Vie Quercynoise de jeudi 24 janvier 2019.