Au sein de l’Établissement de placement éducatif et d’insertion de Caen, 36 jeunes sont suivis par la PJJ. Ils peuvent vivre en internat, en familles d’accueil ou en foyer de jeunes travailleurs. (©Nicolas Claich/Liberté – Le Bonhomme libre.)
La périphrase pourrait prêter à sourire si le sujet n’était si sérieux. « On ne parle plus de mineurs délinquants, mais de jeunes en conflit avec la loi », avance Pierre Pibarot, le directeur de la Protection judicaire de la jeunesse (PJJ) pour le Calvados, la Manche et l’Orne. La mission de cette administration du ministère de la justice, basée à Caen (Calvados), est de mettre en œuvre les décisions des juges pour enfants, quand des mineurs ont commis des infractions pénales. Avec la particularité d’appliquer ces sanctions de manière éducative. Le directeur territorial de la PJJ insiste :
Et ça marche ! 80% des jeunes que nous prenons en charge n’ont affaire à la justice qu’une seule fois.
Un cumul de difficultés
Dans la plupart des cas, un rappel à la loi ou une mesure de réparation suffisent à faire prendre conscience aux adolescents de la gravité de leurs actes. « On leur demande de nettoyer un tag, d’écrire une lettre d’excuses aux victimes… », illustre Pierre Pibarot. Mais parfois, quand un jeune commence à s’ancrer dans la délinquance, les décisions des juges sont plus contraignantes.
Un jeune peut être suivi en « milieu ouvert », c’est-à-dire dans une famille, la sienne ou une famille d’accueil. Une fois par semaine, un éducateur de la PJJ vient lui rendre visite, pour s’assurer que les peines prononcées (contrôle judiciaire, mise à l’épreuve…) sont respectées. Chacun des 120 éducateurs de l’ex-Basse-Normandie suit environ 25 jeunes dans ce cadre. Pierre Pibarot souligne :
Il y a aussi un travail d’accompagnement des familles. C’est une prise en charge globale car les jeunes que nous suivons cumulent souvent les difficultés : familiale, sociale, sanitaire, scolaire…
Il n’est pas rare que ces ados soient connus depuis leur plus jeune âge, quand ils étaient suivis par les services de l’aide sociale à l’enfance du Conseil départemental…
Recherche familles d’accueil
L’unité d’hébergement diversifié de l’EPEI de Caen est en constante recherche de familles d’accueil pour les jeunes qu’elle a en charge. « Nous avons un réseau de 20 familles pour les départements du Calvados, de la Manche, et de l’Orne, dévoile Azouz Achouchi, responsable de ce service. Mais certains secteurs géographiques en manquent. » Le Cotentin (Manche) et la région d’Alençon (Orne), notamment, sont dépourvus.
Contrairement aux familles d’accueil de la protection de l’enfance, qui sont salariées du Conseil départemental, celles de la PJJ sont bénévoles. « Elles sont indemnisées à hauteur de 36 € par jour, ce qui couvre les frais, détaille Azouz Achouchi. Le suivi est renforcé : les éducateurs leur rendent visite une à deux fois par semaine. »
Les familles bénéficient également de formations thématiques, sur la problématique des agressions sexuelles par exemple. « Elles font vraiment partie du service, insiste le responsable. Elles ne sont pas isolées. Nous organisons régulièrement des réunions où elles partagent leurs expériences. Cette étape est très importante dans le parcours d’insertion de nos jeunes, pour éviter la réitération des actes de délinquance ».
Renseignements : 02.31.74.82.41.
À chaque situation, sa solution
Quand l’environnement familial est nocif pour un jeune, le juge peut alors ordonner le « placement judiciaire » du mineur. La PJJ propose plusieurs solutions, en fonction de la situation et des besoins de l’adolescent. Soit directement, soit par le biais d’associations habilitées, financées et contrôlées par ses soins, comme l’Acsea, Les Amis de Jean-Bosco, ou encore l’AIFST.
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L’établissement de placement éducatif et d’insertion (EPEI) de Caen dispose de trois services, adaptés à chacune des situations : un foyer de 12 places (mixte), situé rue de Bayeux; une « unité d’hébergement diversifié » (24 places, mixte), dont les bureaux se trouvent également rue de Bayeux, qui dispose d’un internat mais peut aussi orienter les jeunes vers une famille d’accueil ou un foyer de jeunes travailleurs (FJT); une « unité éducative d’activités de jour », située à Hérouville Saint-Clair. Cette dernière dispose d’ateliers menuiserie, cuisine et d’une auto-école. À Granville (Manche), les jeunes peuvent travailler sur un chantier naval ou un atelier de mécanique automobile.
Un centre éducatif fermé en projet
Parmi les différentes structures d’accueil pour les mineurs délinquants prévues par la loi, la PJJ ne dispose pas pour l’instant de Centre éducatif fermé (CEF) dans le Calvados. Il en existe actuellement 39 en France, mais 20 nouveaux sont prévus par l’État d’ici la fin du mandat. « C’est la dernière alternative avant la prison, décrit Pierre Pibarot. Les jeunes y restent six mois dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’une mise à l’épreuve. Il en existe un à Sainte-Gauburge (Orne) et un autre est en projet dans le Calvados. Nous recherchons un lieu d’implantation, plutôt à proximité d’une agglomération. »
D’une capacité de 12 places, les CEF engendrent 27 emplois : éducateurs, psychologues, infirmières, assitants sociaux, mais aussi enseignants et personnel administratif et technique. « Nous mettons les moyens pour ne laisser aucun jeune au bord du chemin ».
« Des passerelles sont possibles entre ces différentes unités, en fonction des besoins du moment, précise Christelle Labaurie, directrice de l’EPEI de Caen. Nous proposons les modalités de changement au juge, qui doit les valider. » Lorsque les éducateurs estiment qu’un adolescent est suffisamment mature pour vivre en autonomie au sein d’un foyer de jeunes travailleurs, ils peuvent ainsi organiser son placement dans une telle structure. La PJJ dispose de conventions avec tous les FJT du Calvados. Christelle Labaurie insiste :
On ne nait pas délinquant. Notre but, c’est l’insertion du jeune dans la société.
Parfois, à l’inverse, il est nécessaire d’ « exfiltrer » un pensionnaire d’un foyer, afin de le soustraire à l’influence d’un éventuel « leader négatif ». Lui-même ancien directeur de l’EPEI de Caen, Pierre Pibarot complète :
Nous sommes là pour aider chaque jeune à restaurer son rapport aux autres, à la société, à supporter les regard des autres. Mais sans tomber dans l’angélisme pour autant. La consommation d’alcool, de cannabis, et même de drogues dures chez les jeunes est une grosse préoccupation. C’est pour cela qu’il est important de mener notre mission avec partenariat avec les magistrats, mais aussi d’autres institutions comme l’Éducation nationale ou des associations de lutte contre les addictions.
Il arrive malheureusement que la justice n’ait d’autre choix que d’incarcérer un mineur délinquant. À la Maison d’arrêt de Caen, le quartier des mineurs dispose de 10 places pour accueillir ceux qui ont commis des actes graves, souvent à caractère sexuel. « Actuellement, ils sont tous prévenus, en détention provisoire dans l’attente de leur procès », déplore Pierre Pibarot.
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Parfois, les jeunes demandent un suivi
Une fois la majorité atteinte, les jeunes doivent alors voler de leurs propres ailes, en évitant de se les brûler. Certains ont encore besoin du cadre de la PJJ. « À leur demande, on peut les suivre jusqu’à 21 ans, indique le directeur territorial. Dans ce cas, le contrat moral entre eux et nous est encore plus solide. » C’est le signe, aussi, que le travail des éducateurs porte ses fruits.
Quel âge pour quelle situation ?
La majorité des jeunes suivis par la PJJ sont des adolescents, entre 13 et 18 ans. « La loi ne fixe pas de seuil bas pour des poursuites pénales. C’est la notion de discernement qui entre en compte, précise Pierre Pibarot. C’est rare, mais on peut rencontrer des jeunes de 11 ans, qui est l’âge minimum pour une sanction pénale. » L’emprisonnement est possible dès 13 ans en cas d’acte criminel, à partir de 16 ans pour des délits relevant du tribunal correctionnel.