Le chanteur libanais raconte la nostalgie qui le rattache à ses racines. Après Beyrouth, Londres, et Barcelone, il sera en concert au Théâtre-Sénart, le vendredi 30 septembre. Interview.
Dix ans de travail pour sortir votre album : vous semblez aimer prendre votre temps. Selon vous, pour faire de la qualité dans la musique, faut-il être à contre-courant de l’immédiateté du monde moderne ?
Barchar Mar-Khalifé : Ceci ne se limite pas seulement à la musique. Je crois que pour se sentir vivant et ne pas être esclave de ce que nous propose la société actuelle, il faut répondre à un certain appel intérieur qui met inconsciemment une distance avec l’immédiateté, l’ambition, et la médiocrité ambiante. Quand je dis 10 ans de travail, ce n’est certainement pas un travail acharné dans le but de sortir un album, c’est beaucoup d’ennui, des kilomètres de marche, de la solitude, des questions et des remises en questions, de doute, d’accidents et une force inexplicable qui transforme le désir en nécessité.
Dans Ya Balad (ô pays), est-ce du Liban dont vous faites référence ?
Je fais référence à mon pays lointain, à mon pays imaginaire. Je fais référence à mon enfance, à ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que j’ai perdu et ce que j’aimerais préserver. Je fais référence à des couleurs, des sons, des peurs, des joies.
Comment avez-vous travaillé cet album ?
Je ne l’ai pas travaillé en tant que tel. Je suis arrivé au studio seul avec mon ingénieur du son et ami Joachim Olaya, sans savoir ce qui allait se passer. J’étais au pied du mur et ce risque m’a poussé au fond de mes entrailles jusqu’à la fin du travail. En 10 jours, on avait l’album. Il y avait pas mal d’instruments au studio comme le clavecin, une batterie etc. On a tout utilisé, y compris les boîtes des instruments “qui sonnaient bien”.
Comment qualifier votre musique ?
Qualifier ma propre musique ne serait pas très objectif. Mais je peux essayer de définir la musique, celle que je comprends, celle qui me bouleverse, par la relation de l’humain à tout ce qui le dépasse et surtout qui dépasse les verbes qu’il a inventés. La musique est une porte vers l’au-delà.
Dans certaines chansons, comme Kyrie Eleison, vous vous adressez à Dieu. Quelle place la religion tient-elle dans votre quotidien ?
Aucune. L’histoire des religions y tient une place déjà plus importante, et le besoin de sacré de l’Homme, moi y compris, y tient sans doute la plus grande place. J’aime aller à l’église, pour le silence, et pour la liberté que je ressens à l’intérieur, coupé du monde, de l’agressivité, de la frénésie, de l’argent et des autres. Et de là, je me permets de m’adresser à Dieu, mon ami, qui me suit depuis tout petit, et de plaisanter avec lui, mais aussi de m’opposer à lui.
Qu’attendez-vous du public Sénartais ?
Qu’il n’attende lui-même rien de ce concert, qu’il puisse vivre le concert en sa qualité éphémère, qu’il ait conscience que ce sera par définition unique, et qu’il y aille uniquement s’il a besoin de contrer l’immédiateté du monde moderne. C’est en tout cas mon état d’esprit et celui de mes musiciens qui me donne la force de monter sur scène.
Quels sont vos projets ?
Des concerts, encore la tournée de “Ya Balad”, avec un musicien supplémentaire (Saz), le tournage du clip de “Balcoon” à Beyrouth avec Danielle Arbid, et l’enregistrement d’un prochain disque cette fois-ci, pour de vrai, avec des musiciens.
Plus d’infos : theatre-senart.com
Tél. : 01 60 34 53 60.