Les Gilets jaunes ont de nouveau manifesté dans les rues de Toulouse, samedi 5 janvier 2019. (©Actu Toulouse/Gabriel Kenedi)
2019 débute comme s’est terminé 2018. Le premier samedi de la nouvelle année a été marqué par des manifestations et des violences. Le dernier samedi avant le Réveillon, le nombre de gilets de jaunes a décru. Le gouvernement a voulu croire à la fin de la mobilisation. Les manifestants ont apporté un cinglant démenti à cet optimisme. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue. Des incidents se sont produits. Un cap a même été franchi avec l’attaque d’un ministère.
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La légèreté du Premier ministre
La réponse de l’État a été rapide. 48 heures après les faits, le Premier ministre s’est invité au « 20 heures » de TF1. Édouard Philippe a annoncé une loi anticasseurs et la création d’un fichier. Cette réplique est d’abord l’aveu d’une incroyable légèreté. Le chef du gouvernement a reconnu lui-même que son ministre de l’Intérieur a baissé la garde. La semaine prochaine, c’est promis. Il y aura une vague de bleu marine pour contenir les gilets jaunes. Christophe Castaner découvre le métier. Mais le bon sens compense parfois le manque d’expérience.
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Laisse-t-on les casseurs casser ?
À Paris, 1 000 fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie étaient mobilisés. Ces effectifs étaient suffisants pour contenir les manifestants. Le ratio était favorable aux forces de l’ordre. Mais la gestion de la situation a visiblement échappé aux autorités. Les adeptes du complot peuvent prétendre que c’était calculé et délibéré. Laisser les casseurs casser permet ensuite de sortir la matraque et de jouer la corde « sécuritaire ».
Mais, sans verser dans la « paranoïa », un fait est évident. Le pouvoir fait preuve d’un stupéfiant amateurisme. C’est flagrant et frappant dans l’affaire Benalla. Emmanuel Macron a reconnu les faits. Il a maintenu une relation avec son ex-homme de confiance après l’éclatement du scandale.
Gilets jaunes et affaire Benalla, un point commun
On est dans le même registre s’agissant de la gestion des gilets jaunes. L’Élysée fait preuve d’imprudence. Une fois l’incendie déclaré, Emmanuel Macron a pensé qu’un Grand débat national et 15 milliards de dépenses publiques allaient suffire. C’est méconnaître l’ampleur et la profondeur de la Jacquerie.
La même légèreté (confinant à l’irresponsabilité) s’applique aux annonces « répressives » du Premier ministre. Le vote d’une loi prendra plusieurs semaines et même plusieurs mois. Un texte législatif (même en utilisant une procédure accélérée) doit passer devant l’Assemblée et le Sénat. La navette prend du temps et l’urgence, c’est maintenant. S’agissant du fichier, des syndicats policiers doutent de l’efficacité. Pour être utile, il doit être adossé à une interdiction de manifester. Édouard Philippe promet également plus de sévérité de la part de la justice.
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Coup de com’ ?
Mais le principe de l’individualisation des peines donne forcément une liberté d’appréciation aux magistrats. Le Premier ministre peut promettre les foudres. Mais les tribunaux ne marcheront pas au son du canon de Matignon. En démocratie, cela s’appelle l’indépendance de la Justice. Au final, le coup de menton d’Édouard Philippe et Emmanuel Macron relèvent au mieux de l’esbroufe, d’un « coup de com’». Au pire, c’est le reflet d’une méconnaissance totale de nos institutions et de notre droit.
Mais c’est sur le terrain politique que l’Élysée et Matignon perdent la boussole. Sortir les grosses caisses et les trompettes médiatiques sur le thème (utilisée par le gouvernement) de « l’ultra-repression » n’est pas la meilleure des méthodes pour une sortie de crise. La matraque sans un traitement de fond est contre-productive.
Cela permet d’amadouer une partie de l’opinion, exaspérée par les violences. Mais le risque est de maintenir un foyer de contestation. Les prisons de France sont déjà pleines. Plus de 5 000 gardes à vue de Gilets jaunes sont intervenues depuis novembre 2018. Plusieurs centaines de condamnations sont tombées. Mais il ne suffira pas de mettre à l’ombre « tous » les violents pour éteindre la violence.
Attention au retour de bâton
Les États-Unis détiennent le record du monde des incarcérations et appliquent la peine de mort. Les policiers dégainent et tirent à la moindre occasion. Malgré cela, la sécurité ne règne pas. Sans un traitement politique, Emmanuel Macron n’arrivera à rien. Pire, il risque un sérieux retour de bâton.
Laurent Dubois