À Bagneaux-sur-Loing, c’est le canal du Loing qui a cédé, provoquant le sinistre de l’immense majorité de la population. L’activité économique de la commune a également été très fortement touchée.
82 %. C’est le taux de la population de Bagneaux-sur-Loing touchée par les inondations d’après Claude Jamet, le maire (DVG) de cette commune de 1690 âmes. « Ce sont les HLM, où vit la moitié de mes habitants, qui ont été les plus sinistrés, souffle l’édile. En tout, près de 200 familles ont été évacuées. » Au total, 600 bâtiments de la ville ont été endommagés.

Pire que 1910
C’est le canal du Loing, au niveau du chemin des Berges et de la place de la Vieille Cour, qui débordé dans la nuit du mardi 31 mai au mercredi 1er juin, provoquant l’inondation du village.

« Personne ne s’attendait à ce que Bagneaux soit sous l’eau, témoigne Segundo Cofreces, conseiller municipal. Nous avons été pris par surprise aux alentours de 4 h du matin, encerclés par l’eau qui n’a pas arrêté de s’écouler. On se demande encore pourquoi le canal a cédé alors qu’il est censé nous protéger et qu’il avait toujours réussi à faire barrage jusqu’à maintenant. Il semblerait que le Loing se soit mélangé au canal à partir de Montargis et de Souppes-sur-Loing, ce qui a entraîné un gros afflux d’eau dans le canal. De ce fait, les écluses en aval étant fermées, le trop plein d’eau aurait débordé du canal sur la commune. »
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Et Claude Jamet d’ajouter : « Personne n’avait vu ça, c’est pire que la crue de 1910 ! Impensable. » À certains endroits, l’eau a atteint des sommets avec près de deux mètres de hauteur.

Un désastre pour les usines
Tous les sites industriels de la commune ont été touché. Parmi les usines sinistrées, il y a Corning, 131 salariés, fournisseur mondial de verre de spécialités, de vitrocéramiques et de composants optiques notamment pour l’industrie de l’ophtalmique.

Mais aussi KeraGlass, 246 salariés,, qui fournit depuis plus de 20 ans le marché de l’électroménager avec des surfaces de cuisson en verre vitrocéramique innovantes.

Deux entreprises classées Seveso, autrement dit des sites industriels présentant des risques d’accidents majeurs, qui ont été évacuées mercredi 1er juin au matin. Du personnel a toutefois été réquisitionné pour sécuriser les entreprises, en mettant notamment à l’abri des fûts d’arsenic et en sauvant les fours des deux sociétés, désormais en veille.
« J’avais les chocottes pour ces deux sites Seveso, mais les salariés ont réagi de fort belle manière pour consolider les machines, explique Claude Jamet, quelque peu soulagé. Maintenant, l’activité reprendra quand ils seront à nouveau alimenté en électricité. Corning espère redémarrer jeudi 9 juin. Quant à KeraGlass, la relance devrait s’opérer dans trois à quatre semaines. »
Mais ce qui fait le plus mal au cœur à l’élu au niveau industriel, c’est l’inondation totale du nouveau site Pyrex, inauguré il y a trois mois. Un terrain comprenant un peu plus de 25 000 m2 de surface utile qui accueillait une antenne de stockage de KeraGlass, un bâtiment logistique de Cotralog mais surtout la cartonnerie Smurfit Kappa, qui a tout perdu.
« Le slogan de ma commune, c’était « Bagneaux, ville tournée vers l’avenir », ça en a pris un sacré coup, lance Claude Jamet. Même si les dégâts sont très importants, nous mettons tout en œuvre pour remettre à flot nos usines qui font la fierté de Bagneaux ! »
Abandon et solidarité
Patrick, 58 ans, habite l’îlot Saint Gobain, juste en face de l’endroit où le canal a débordé. « C’est mon chat, avec qui je dormais et qui ne fait aucun bruit d’habitude, qui s’est mis à miauler et qui m’a réveillé, raconte-t-il. C’est en ouvrant mes fenêtres que j’ai vu l’eau du canal rentrer dans le village avec une grosse vague d’un mètre. J’ai sonné aux portes de tous mes voisins pour les prévenir et pris l’initiative de forcer avec un pied-de-biche une porte cadenassée menant à un parking à l’intérieur duquel j’ai pu entreposer le maximum de voitures pour qu’elles soient à l’abri de l’eau. Une dame est même tombée dans une bouche d’égout qui s’était ouverte avec la pression du torrent. J’ai réussi à la remonter en l’attrapant par les cheveux. Je criais au secours, mais les pompiers n’étaient pas là. »

Un sentiment d’abandon que l’on retrouvait chez tous les Balnéolitains, notamment ceux situés à la limite avec Saint-Pierre-lès-Nemours. Quelques Saint-Pierrois, eux aussi touchés par les inondations, enrageaient toujours jeudi 1er juin du « manque de considération » dont ils se sentaient victimes.

« Les pompiers étaient quasiment tous mobilisés à Nemours, explique Segundo Cofreces. Même si une équipe de deux sauveteurs-plongeurs nous a bien chapeautés, nous sommes longtemps restés seuls à nous débrouiller. On a fait ce que l’on a pu. Il y a eu énormément de solidarité entre habitants, des bénévoles de partout, dont certains étaient sinistrés d’ailleurs. Nous avons réussi à naviguer avec des barques mises à disposition par des voisins pour évacuer les personnes les plus fragiles, ravitailler ceux qui ne voulaient ou ne pouvaient pas sortir de chez eux, et organisé des tours de garde la nuit pour empêcher des pillages dans les maisons abandonnées avant que les CRS ne prennent le relais vendredi. » Sans oublier la mise à disposition par deux agriculteurs de deux tracteurs qui ont servi à évacuer les Balnéolitains, mais aussi à approvisionner en bouteilles d’eau ceux qui ne sont pas partis de chez eux.

D’abord déplacés au gymnase de Bagneaux, les habitants sinistrés ont ensuite été accueillis à la salle des fêtes de Faÿ-lès-Nemours pour manger un morceau, récupérer des vêtements propres et secs et trouver un peu de repos. En mairie, où s’est mis en place le plan communal de sauvegarde, on pouvait également trouver des denrées alimentaires fournies par l’Intermarché de Nemours, ainsi que de la nourriture pour animaux, mais aussi un tas d’habits pour ceux qui en auraient besoin.

Que de dégâts
La décrue est totale depuis samedi 4 juin. Des balayeuses ont été appelées en renfort pour nettoyer les rues, tandis que de nombreuses associations du secteur aident les habitants à déménager ce qui peut encore l’être des habitations et à remettre en ordre les caves inondées. Si l’électricité est toujours coupée par endroits, l’eau est désormais potable. L’école maternelle Paul-Lopez et l’école élémentaire des Gamins Verriers ont été rouvertes à partir de ce lundi 6 juin, de même que la cantine, toutes nettoyées.
Jeudi 2 juin, Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’Aide aux victimes s’est rendue à Bagneaux pour témoigner du soutien total de l’État et de la mobilisation de ses services auprès de la commune et de ses habitants pour faire face à la situation.

« Pour tout reconstruire, pour que tout redevienne comme avant à Bagneaux, il faudra au moins six mois, évalue Claude Jamet. Que de dégâts… C’est considérable, ça doit se chiffrer en millions d’euros. Les sites industriels et les petits commerces sont à l’arrêt pour un moment, je n’ai plus de bâtiment technique, de camping, de salle des fêtes, de cinéma… Je suis sans voix. »