« Ils étaient sans doute des hommes de Néandertal, mais ce n’est pas prouvé, commente Fréderic Blaser. Ce plateau de Sénart confirme être un site de grand intérêt ». Pour le responsable scientifique de ces fouilles de lnrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) il reste encore beaucoup à faire jusqu’au 20 mai où toute l’équipe devra laisser le terrain à l’aménageur. Sur cette Zac du Plessis-Saucourt, aménagée par l’EPA Sénart sur la commune de Tigery, sont prévus des bâtiments pour l’accueil d’activités de bureaux et locaux de production.
Bien avant cela, et systématiquement depuis 1990 en lien avec le développement de la Ville Nouvelle, des sondages ont été réalisés par l’Inrap avant les grands chantiers. Si les sondages, prescrits (et payés) par l’Etat, c’est-à-dire ici la Direction régionale des affaires culturelles, donnent des indices intéressants, on passe au chantier de fouilles proprement dites, alors prises en charge par l’aménageur.
Une base vie de quelques bungalows transportables, une pelleteuse confiée à un artiste du godet, une dizaine de têtes bien pleines et autant de paires de jambes et genoux solides, des bottes et une passion professionnelle pour tout le monde, c’est le minimum, et on creuse. Mais doucement, et on termine à la truelle et à la brosse à dents. Ajoutez-y quelques appareils numériques de photo et topographie, des balises pour GPS, et un drone qui enregistre tout ça pour une reconstitution en 3 D, vous aurez une petite idée du chantier. Ce qui ne sera qu’une partie du travail, puisqu’il faudra ensuite exploiter l’ensemble des trouvailles en laboratoire.
Fouilles
La multiplication des aménagements urbains, et donc des sondages et fouilles préventifs sur le secteur a fait du plateau de Sénart une référence archéologique. On y a aussi bien plus qu’ailleurs multiplié les sondages dits profonds , c’est-à-dire jusqu’à 2 mètres, au lieu de se contenter des rainures jusqu’à 50 cm par passage d’un godet de pelleteuse. C’est ainsi qu’on a pu passer de nombreuses découvertes de traces du Néolithique (entre -6000 et – 2200) sur le plateau, à plusieurs identifications du Paléolithique ancien (avant 130.000 ans). Ici à Tigery on est dans le Paléolithique moyen récent (entre 110000 et 70000 ans). A cette époque la Belgique est sous les glaciers, mais la plaine de Brie est encore tempérée malgré quelques épisodes de froid intense que supportent les chasseurs-cueilleurs.
Unique en Europe
Sur le terrain à l’époque, des dépressions où l’eau stagne (disponible pour les animaux et végétaux) sont plus tard comblées mais piègent les sédiments et les traces d’occupation humaine. Si au niveau Néolithique on trouve les traces de poteaux de bois de huttes, le Paléolithique plus ancien n’est identifié que par des silex taillés, outils ou déchets de tailles. Pas d’ossements, pas de matière organique. Mais la connaissance des techniques de tailles permet des reconstitutions. L’apport du site est ainsi de montrer ici différents comportements de groupes humains: il y a ceux qui ont leurs outils avec eux et les retouchent, ceux qui utilisent le gisement de pierres trouvé sur place, et aussi ceux qui viennent avec leurs blocs de nucleus pour commencer à les travailler sur place.
Remise en cause
« Cette diversité des industries lithiques sur un temps et un espace aussi restreint est unique pour le nord-ouest de l’Europe, parfois considéré comme un bloc culturel monotone », écrit Fréderic Blaser. Alors ce plateau de Sénart, signe d’une évolution rapide interne aux groupes, ou zone carrefour où se succèdent de nouvelles populations ? S’étant elle-même mise en face de ces questions, c’est à cette équipe de l’Inrap de commencer à chercher les réponses.
Didier Barry