Ils sont venus, ils ont vu, et ils ont vaincu. Pour au final un énorme soulagement. C’est le résultat de la mobilisation des élus du Pays de Nemours et des parents d’élèves vendredi 11 septembre. Le sujet est sensible : le couac des affectations entre établissements privés et publics cet été. 64 élèves du collège privé Sainte-Marie de Saint-Pierre-lès-Nemours n’avaient pu s’inscrire en seconde dans leur lycée public de secteur, à savoir Bezout, à trois kilomètres de distance.
En cause, la capacité d’accueil du lycée insuffisante selon l’inspection académique, tandis que la députée-maire Valérie Lacroute (LR) affirme que les parents d’élèves concernés du collège saint-pierrois lui ont « indiqué que l’Académie avait cette année ajouté sur le logiciel de traitement des demandes (d’affectation), les lettres « PR » devant le matricule des enfants venant de l’enseignement privé », qualifiant la situation d’ « atteinte aux principes fondateurs du système éducatif français ».
« Sans-bahut »
Si de nombreuses familles, découragées, ont fini par inscrire leur enfant ailleurs, quelques-unes ont pu voir leur progéniture filer in extremis dans l’une des 11 classes surchargées jusqu’à la mœlle de Bezout – 35 à 36 élèves en moyenne -, l’établissement laissant entendre qu’il était impossible d’en ouvrir une de plus. Mais d’autres sont restés à quai, deux plus exactement. « Sans-bahut », le fils de Stéphanie broyait du noir depuis la rentrée, idem pour l’enfant de Séverine. Mais les deux mamans qui habitent Nemours, impuissantes, ont fédéré autour d’elles.
C’est ainsi qu’Ariane Pujol, porte-parole des parents dans la contestation, a décidé d’appeler les élus du Pays de Nemours disponibles à se rendre, avec leur écharpe tricolore, ce vendredi 11 septembre pour obtenir l’affectation des deux élèves en question. À 7 h 45, ils étaient une vingtaine à s’être massés devant la grille d’entrée du lycée Étienne-Bezout pour obtenir un rendez-vous avec le proviseur adjoint Fabrice Wœlflin-Sauvage. Ce dernier finit par se présenter, et à se mêler à l’assistance, seul contre tous. L’homme est tendu, les échanges aussi.
Échanges tendus
« Il y a deux enfants dans la rue actuellement, interpelle Ariane Pujol. Sans compter ceux qui ont été affectés ailleurs et qui sont socialement perdus et déstabilisés. Là où ils sont, ils ne connaissent personnes, ils subissent des trajets de transport de 2 h 30 chaque jour ainsi que l’impossibilité pour la plupart de continuer leur activité sportive parce qu’ils rentrent trop tard. Les gamins, ils sont en dépression. Ce n’est pas normal ! » Et Valérie Lacroute, en tête du cortège d’élus, de rajouter : « Nous savons que plusieurs places se sont ou sont en train de se libérer en seconde en raison de démissions d’élèves. Il faut à tout prix que ces deux lycéens encore sur le carreau soient admis chez vous ! On ne veut pas vous mettre en difficulté, mais vous vous devez d’agir ! »
Réponse du proviseur-adjoint : « Si, si, vous me mettez en difficulté ! Je comprends que les parents soient excédés, mais la décision finale d’affectation revient à l’inspection académique. Tant que je n’ai pas plus d’informations, je ne peux rien faire. Tout ce que vous me dîtes, allez plutôt le dire à Madame Galeazzi, l’inspectrice. » Coup de gueule de Jean-Lucan, maire de Grez-sur-Loing, passablement excédé : « C’est trop facile de botter en touche comme vous êtes en train de le faire depuis tout à l’heure ! À quoi servez-vous ? Je trouve que vous prenez les choses avec une certaine hauteur, et ce n’est pas forcément très agréable, ça commence même à m’agacer fortement ! C’est à vous de faire remonter le problème et d’appeler l’inspection académique. Appelez, et donnez-nous la réponse, c’est pourtant simple ! » Ambiance. Et finalement, c’est sur l’injonction de l’élu grézois que Fabrice Wœlflin-Sauvage finira par s’exécuter, en filant dans son bureau pour passer l’appel.
Coup de fil gagnant
Un coup de fil qui s’avérera payant puisque dix minutes plus tard, le proviseur adjoint reviendra devant la petite foule avec la bonne nouvelle : « L’inspection académique vient de m’accorder la possibilité de rendre disponibles les deux places qui étaient en attente en classe de seconde. L’une correspond à la démission d’un lycéen qui n’était pas encore effective et l’autre à l’absence de nouvelle d’un élève inscrit chez nous mais qui ne s’est pas présenté depuis la rentrée et qui n’avait pas encore été radié. »
Comme par magie, mais peu importe pour les mamans. « C’est un énorme soulagement, témoigne Stéphanie. J’avais peu d’espoir, mais il fallait mener ce combat jusqu’au bout. La mobilisation des autres parents d’élèves et des élus présents, que je tiens vraiment à remercier, a porté notre cause. À Bezout, mon fils ne pourra pas bénéficier de l’option Sciences de l’Ingénieur, mais peu importe, il est tout simplement heureux de retrouver ses amis et de ne pas avoir à galérer dans le bus pour aller à Fontainebleau ou Avon alors qu’il habite à dix minutes du lycée. » Même délivrance du côté de Séverine : « Cette situation m’a bouffé la vie, à moi, mon mari et surtout mon fils. Je prenais des anxiolytiques, des antidépresseurs et même des somnifères pour tenir. Je n’y croyais plus, mais désormais, je suis euphorique ! C’est un poids énorme que l’on vient de nous enlever. »