« Pour récolter des tomates, des salades ou des fraises dans la plaine de Chailly-en-Bière, l’heure de travail d’un ouvrier revient à 11,38 € charges comprises. Elle revient à 7,40 € en Allemagne, 7,37 € en Belgique, 8,24 € en Espagne et 2 € en Pologne. Sans compter que c’est 6 € par jour au Maroc », rappelle Bastian De Vos, au moment de partir jeudi manifester à Paris.
« On pourra prévoir toutes les réformes de structures que l’on voudra, tant que les différences de charges ne permettront pas de rééquilibrer les coûts de production et les prix de vente, nos entreprises ne pourront pas être compétitives ». Et Bastian De Vos est bien placé pour en témoigner, patron des Saveurs de Chailly, spécialisé dans les tomates et les fraises haut de gamme en production naturelle (protection biologique, substrat organique, pollinisation par bourdons), il y emploie de 20 à 30 salariés, avec 10 saisonniers d’avril à octobre, des habitués de la région.
« Mes collègues qui font des salades emploient pour la récolte le plus souvent des Portugais ou Polonais, ils ne trouvent pas de Français. Mais les ouvriers étrangers sont payés au même tarif que les Français ». Président des producteurs maraîchers du carreau de Rungis, il y observe que ses collègues sont dans la même difficulté : « Nos clients grossistes ou détaillants sont solidaires. Une traçabilité de nos produits est possible, mais trop souvent elle disparaît au moment du choix du consommateur ». Les éleveurs, producteurs de viande ou de lait ne sont pas les seuls touchés. Ttrop de charges, trop de paperasseries administratives, trop de normes, trop de différences de règles entre pays européens concurrents, c’est ce que Bastian De Vos est allé dire avec ses collègues à Paris.
Déception et attente
Parmi les 1700 tracteurs venus de toute la France, plus de 200 tracteurs et 300 adhérents seine-et-marnais sont montés jeudi à Paris, à l’appel de la FDSEA77 et des Jeunes agriculteurs. Côté mobilisation, c’est la satisfaction pour Arnaud Rousseau président de la FDSEA77. Mais au retour « c’est en premier lieu surtout la déception qui domine, les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur. En second lieu c’est maintenant l’attente que les annonces se transforment en actes, dans la loi de finances 2016. La Seine-et-Marne n’est pas vraiment concernée par les mesures annoncées pour l’élevage, mais par les mesures structurelles, comme par exemple les assiettes de cotisations. Nous attendons de voir. Un moratoire de 6 mois a été annoncé pour les normes, le temps de mettre au point une nouvelle méthode de travail. Là aussi, il faudra que ça suive ».
Suite européenne
Ce lundi 7 septembre à Bruxelles les ministres de l’agriculture traiteront surtout des outils de gestion de l’élevage.
« Même dans les autres pays les agriculteurs sont mécontents. On a voulu du libéralisme à tout va, et maintenant tout est dérégulé. Quant au problème des différentiels de charges salariales au sein de l’Europe, ce n’est pas qu’un dossier agricole, et c’est au niveau des chefs d’état que cela peut se régler. Nous ne voulons pas un nivellement vers le plus bas, nous sommes fiers de payer correctement nos salariés, mais il faut un meilleur équilibre. »
Jeudi à Paris ce sont des tracteurs seine-et-marnais qui ont accompagné jusque devant l’Assemblée nationale la délégation de manifestants reçue par le président Bartolone et des représentants des groupes. « Nous avons rencontré des députés de toutes tendances, précise Arnaud Rousseau. Nous avons été écoutés. Nous verrons la suite. »
Si une partie du pouvoir est dans les votes de l’hémicycle, une autre reste bien dans les choix des consommateurs.
Didier BARRY