Véritable petit bijou architectural couvert de soie d’or, le théâtre impérial construit sous Napoléon III par l’architecte Hector Lefuel et inauguré en 1857, se situe dans l’aile Louis XV. Lorsque vous êtes face à la cour des Adieux, il s’agit du bâtiment à droite où les toits n’ont pas de cheminée. Une salle en forme d’ellipse de 45 mètres de long sur 15 de large avec 430 places assises et son mobilier Louis XVI. Après une première restauration grâce au mécénat de l’Emirat d’Abu Dabi qui apporte avec lui une enveloppe de 5 millions d’euros, ce dernier est rouvert au public en 2014. Aujourd’hui, les visiteurs n’ont accès qu’à la salle principale. Pour les coulisses, là où sont entreposés décors de scène et mécanismes à l’ancienne, il faudra attendre encore un peu ou lire ce qui suit…
En scène !
Derrière le rideau, une scène de 15 mètres de large environ avec l’avant-scène qui fait une dizaine de mètres de profondeur. A cet endroit, les équipes du château ont découvert jusqu’à 250 éléments de décor : châssis obliques, fermes, toiles de fond, frises, faux-plafonds, tout y est. Le rideau de scène, le manteau d’Arlequin et le lambrequin aussi ! « Ce sont des décors utilisés au 19e aux Tuileries ou à Saint-Cloud avec quelques vestiges du 18e, précise Vincent Droguet, Conservateur en chef du patrimoine, ce qui est vraiment très très rare en France ». Ces séries de châssis tendus de toiles peintes à la détrempe, constituent, une fois assemblés, des décors complets. « Un paysage de campagne, une place de ville, une forêt, des salons ou encore un palais mauresque ou gothique, poursuit-il, avec quelques panneaux créés pour le petit théâtre de la Reine au château de Versailles ». Un équipement envoyé à Fontainebleau en 1864 par le service du Matériel des Fêtes de la Couronne. Tout autour, on observe aussi des ponts de singes, des fils aux nœuds marins et l’ensemble des dispositifs scéniques avec tous les mécanismes anciens utilisés pour déplacer ces décors. « En dessous de la scène, un seul niveau où sont activés des chariots de costières avec des trappes et la loge du souffleur », décrit le Conservateur.
2015, nouvelle restauration
Il vous faudra patienter encore un peu avant de pouvoir découvrir la face cachée du petit théâtre impérial. Une nouvelle restauration, l’acte II, est annoncée pour 2015. Une 2e et 3e tranche de travaux, estimés dans l’ensemble à 5 millions d’euros aussi (3,12 M pour l’achèvement des espaces périphériques et 1.9 M pour la scène et ses équipements) également financés par Son Altesse Royale Cheikh Khalifa bin Zayed Al Nahyan, devrait vite voir le jour. L’idée d’une exploitation commerciale de cette salle y est d’ailleurs abandonnée au profit d’une restauration et de sa présentation comme espace muséographique. « Avec la possibilité tout de même d’y organiser jusqu’à 5 représentations par an », précise une étude générale.
Le personnage historique : Le frère du Tsar pour l’inauguration
Le 30 mars 1856, le Traité de Paris est signé par 52 Etats. Il met fin à la guerre de Crimée laissant un goût amer au Tsar de Russie, Alexandre II. Il envoie pourtant son frère, Constantin Nikolaïevitch de Russie, le Grand-duc Constantin (1827-1892), en visite diplomatique rencontrer Napoléon III. Le théâtre fraichement terminé n’a pas encore été inauguré, l’occasion est trop belle pour impressionner encore l’empire russe alors en déclin. Après une chasse à courre en forêt et un dîner où l’empereur, pour épater la galerie, avait l’habitude de servir lui-même le cerf à ses invités, le Grand-duc assista à la première représentation donnée dans le théâtre impérial. La fameuse inauguration bat son plein. La pièce, un « Mari à la campagne » qui s’empare du thème de Tartuffe est un succès Le frère du Tsar est ébloui…
L’anecdote : Un théâtre éphémère
Inauguré le 13 mai 1857, le théâtre coûte finalement trop cher à la cour. Chauffage, éclairage, l’entretien du mobilier et les décors qu’elle fait venir d’un peu partout pour chaque représentation, sont autant de charges trop lourdes à supporter pour le palais. A l’époque, seule une dizaine de représentations ont ainsi lieu sur cette scène pourtant très prisée. La salle de spectacle tombe ensuite dans l’oubli… Le 6 juin 1936, elle est rouverte exceptionnellement pour la représentation du « Demi-monde » d’Alexandre Dumas fils. Des mesures d’urgence sont prises pour cacher la misère. Malgré tout, pendant l’occupation allemande, le théâtre est sollicité à de nombreuses reprises. Spectacles, concerts, conférences, et même des projections de films. En 1941, il est définitivement fermé pour des raisons évidentes de sécurité.