La porte des hydrocarbures non-conventionnels n’est jamais définitivement close. Les industriels du secteur pétrolier le savent bien et s’activent vigoureusement pour faire sauter le verrou de la loi Jacob de 2011 (lire ci-dessous) qui maintient, pour le moment, les velléités d’exploration à distance.
Ce phénomène s’illustre parfaitement avec le rapport commandé en 2012 par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, puis enterré par le gouvernement avant d’être « exhumé » par Le Figaro qui l’a publié dans son intégralité lundi soir sur son site internet. Ce fameux rapport – dont le sous-titre laisse perplexe : « 20 mois à la recherche des gaz de schiste écologiques » – promeut une technique d’exploitation alternative à la fracturation hydraulique. Le principe est simple : plutôt que d’utiliser de l’eau en grande quantité mélangée avec des additifs chimiques pour fracturer la roche, dans laquelle est emprisonné le schiste entre 1 500 et 3 000 mètres de profondeur, le rapport préconise l’utilisation d’une forme florée du propane, l’heptafluoropropane, non inflammable (en anglais « Non flammable propane », ou NFP). Ce gaz, défendu par la société texane eCorpStim, est notamment utilisé comme propulseur dans les inhalateurs médicaux et comme agent anti-incendie dans les bâtiments.
Effet de serre
« Cette méthode présentée comme alternative n’en est pas vraiment une, soutient Isabelle Levy, la présidente du Collectif du pays Fertois, fortement mobilisé contre l’exploitation des gaz et pétrole de schiste en Seine-et-Marne. Elle n’a jamais été testée à taille réelle ». La militante écologique s’inquiète par ailleurs de « double discours de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, qui affirme son refus de toute exploitation des hydrocarbures non-conventionnels alors qu’elle a récemment signé des arrêtés ministériels concernant des permis directement schisteux. »
À cela s’ajoute en sus que le NFP est un gaz à puissant effet de serre. De quoi relativiser les propos d’Arnaud Montebourg qui expliquait dans ce rapport confidentiel que « les progrès technologiques spectaculaires permettent désormais de concilier l’exploitation des gaz de schiste avec le respect scrupuleux de l’environnement et de marier les hydrocarbures non-conventionnels avec l’écologie ». Les pétroliers seraient-ils devenus les nouveaux hérauts de l’écologie ?
Création d’emplois
Par ailleurs, selon les conclusions du document, en fermant la porte aux gaz de schiste la France se serait privée d’une rente estimée entre 103 et 294 milliards d’euros sur trente ans et de 120 000 à 225 000 emplois créés sur la même période. « Les projections en terme d’emplois et de croissance sont fictives, soutient Olivier Faure, député socialiste de la 11e circonscription de Seine-et-Marne et porte-parole du PS. On ne peut pas prendre l’exemple des États-Unis et du Canada pour l’appliquer dans notre département où en Ardèche. Notre territoire est plus densément peuplé, or l’extraction du schiste demande un nombre important de puits. C’est, en outre, contraire à tous nos engagements sur le climat. »
Alors, pourquoi ce rapport ressurgit-il aujourd’hui ? Selon Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement qui défend notamment la commune de Nonville contre les velléités de Hess Oil et Vermilion (lire sur notre site internet), « il s’agit là d’une opération des lobbies de l’industrie pétrolière qui se sont assuré un coup de communication à grande échelle ». Et d’ajouter : « Même si je ne crois pas dans l’avenir du gaz de schiste en France, il me semble évident que l’objectif est ici de préparer l’opinion publique à l’idée fantaisiste qu’il existe des alternatives prétendument propres à la fracturation hydraulique. »
La loi Jacob de 2011
, impulsée par le député-maire de Provins, interdit la fracturation hydraulique sur tout le territoire national, seule technique reconnue à ce jour pour extraire les fameux pétroles et gaz de schiste de nos sous-sols. Le fait que ce soit un parlementaire Seine-et-Marnais qui ait porté cette loi découle de la position stratégique qu’a notre département sur ce dossier. La Seine-et-Marne est, avec l’Aisne, le territoire Français le plus convoité par les pétroliers pour les richesses présumées de son sous-sol.