Il n’est pas du goût de tout le monde qu’une entreprise utilise les symboles religieux à son propre compte. Surtout lorsqu’il s’agit de promouvoir un site internet de rencontre à destination des gens en couple qui recherchent une aventure extraconjugale, et ce, le plus souvent, dans le dos de leur moitié. En effet, l’emblème de Gleeden, sur un fond violet, est une pomme croquée, ce symbole si connu du péché originel, agrémenté, en outre, de slogans provocateurs tels que « Être fidèle à deux hommes, c’est être deux fois plus fidèle », ainsi que « Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la sécu », ou encore « Tout le monde peut se tromper, surtout maintenant. »
Sus aux infidèles !
Il n’en fallait pas plus pour déchaîner la colère dans les rangs des religieux de tous bords, ainsi que des anciens militants frustrés par l’échec de la « Manif pour tous » qui, après les couples gays, la PMA et la GPA ont trouvé une nouvelle cible, symbole, selon eux, de la perversion de notre société : les infidèles. Ainsi, le 19 février dernier, la fédération d’organisations religieuses conservatrices, les Associations familiales catholiques (AFC), a annoncé qu’elle attaquait en justice Gleeden. Motif : le site conspué faciliterait « l’adultère » et ferait « la promotion publique de la duplicité, du mensonge et de la violation de la loi ». Argument : même si l’infidélité n’est plus une faute pénale depuis 1975, l’article 212 du code civil indique que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
En réponse, Gleeden s’est défendu en accusant ses détracteurs de censure et en dénonçant « une atteinte à la liberté d’expression et aux libertés individuelles ». Et d’ajouter que le site envisageait de porter plainte à son tour contre l’AFC.
Dans cette guerre de position, où chacun se renvoie la responsabilité de la décadence de notre société au visage, force est de constater que la bataille semble déjà gagnée par Gleeden. Au-delà des considérations strictement morales, qui n’engagent que leurs auteurs, on voit en effet mal la justice condamner ou interdire le site sur cet argument judiciaire fragile. Et forcément, Gleeden se frotte les mains de ce joli coup de publicité que lui a fourni l’AFC à son insu.
47 000 inscrits en Seine-et-Marne
Sur la vague de l’infidélité, la Seine-et-Marne n’est bien entendu pas épargnée. Alors qu’elle comptait 8 700 inscrits sur Gleeden en 2009 – date à laquelle le site a été créé, faisant de notre département le troisième plus infidèle à l’époque, derrière les Yvelines et les Hauts-de-Seine – ils ne sont pas moins de 47 566 membres aujourd’hui ; 18 906 femmes et 28 660 hommes. Quant à la moyenne d’âge, elle se situe à 38 ans pour la gente féminine et 40 ans pour la gente masculine, dans les mêmes proportions que les chiffres au niveau du pays.
L’infidélité relève d’ailleurs, dans certains cas, d’un choix de vie conscient plus ou moins assumé par ceux qui la pratiquent, à l’image de Christine, Bellifontaine de 48 ans, ou Julien, Melunais de 27 ans (lire les témoignages ci dessous).
Ces comportements divisent naturellement la population. Et donnent lieu à de curieuses déclarations publiques dont la plus savoureuse reste celle de l’ayatollah Kazem Sedighi, en Iran, qui déclarait au quotidien Aftab, en 2010 : « L’augmentation des relations sexuelles illicites fait accroître le nombre de tremblement de terre ». Rien de moins…
Paroles d’infidèles vivant en Seine-et-Marne
Julien, Melun, 27 ans, 1 enfant
« J’ai parfois honte, mais c’est plus fort que moi »
« Je n’en éprouve aucune fierté. Je pense que le fait d’avoir été trompé par une fille que j’aimais plus que tout alors que j’avais 18 ans, mon premier amour, a bousculé mes relations futures. Aujourd’hui, tout se passe bien avec ma femme, nous avons eu un enfant, nous nous entendons bien, nous nous aimons et nous faisons régulièrement l’amour, avec intensité. Mais depuis des années, j’éprouve le besoin de la nouveauté, même si je sais que c’est mal. C’est plus fort que moi ! J’ai toujours eu des facilités avec les femmes, et j’ai pris goût au jeu de la séduction. Je ne trompe pas ma copine tous les week-ends, je dirai que ça m’arrive une dizaine de fois par an. Et Gleeden, à ce titre, m’offre un service sécurisé et la certitude de rencontrer des femmes qui n’attendront rien de plus de moi que du sexe et une soirée de complicité. Paradoxalement, je n’aime pas mentir pour obtenir ce que je veux, je préfère être franc et en plus ça limite les risques. Je rencontre souvent des femmes mariées plus âgées, et ça me plaît. Ma femme n’a aucun soupçon, car je sais mener cette double vie en toute discrétion. De toute manière, elle passe et passera toujours en priorité sur toutes les autres. »
Christine, Fontainebleau, 48 ans, 3 enfants
« L’infidélité a vraiment sauvé mon couple »
« Je suis inscrite sur Gleeden depuis maintenant près de deux ans. Au début, j’y suis allé car j’avais un mal être chronique. Mon époux, avec qui je suis depuis plus de vingt ans, ne me regardait plus. Quant à nos rapports sexuels, ils étaient devenus aussi rares que nos disputes. Nous étions devenus d’excellents amis, mais rien de plus. À cette époque, j’avais le besoin d’être désirée, je ne me sentais même plus comme une femme, je ne prenais plus soin de moi.
Lorsque j’ai eu ma première rencontre, cela s’est très bien passé. C’était avec un homme marié de 50 ans. Nous nous sommes revus plusieurs fois et je me suis à nouveau sentie désirable. Je m’habillais mieux, je prenais soin de moi… Aujourd’hui, je réalise que l’infidélité a vraiment sauvé mon couple ! Je me suis mise à chercher de nouveau à séduire mon mari, sans doute pour compenser la culpabilité que j’éprouvais au fond de moi. Ça a été comme une deuxième jeunesse pour nous. Et je n’y renoncerai pour rien au monde ! Je l’aime et je sais qu’il est l’homme de ma vie, mais je m’autorise de temps en temps une petite incartade. Pour entretenir le feu, comme on dit… »
