Quantcast
Channel: actu.fr - Toute l'information nationale, régionale et locale.
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26281

Défi : Hémiplégique, Roger parcourt Cugny-Bordeaux en tricycle

$
0
0

Roger Rivet, lors de son départ de Cugny, le 15 août au petit matin. (© Olivier Dion) -
Roger Rivet, lors de son départ de Cugny, le 15 août au petit matin. (© Olivier Dion) -

« Juste avant que vous m’appeliez, j’étais limite en train de me demander si je n’allais pas abandonner… C’est parfois difficile, mais je me dis aussi que je dois continuer. » Au bout du fil ce mercredi 24 août, Roger Rivet a la voix basse, un peu fatiguée.

« Défi fou »

Parti au petit matin le 15 août dernier en tricycle du petit village de Cugny, entre Épisy et La Genevraye, dans l’idée de rejoindre Bordeaux, l’homme a déjà parcouru 434 km sous la chaleur parfois écrasante des petites routes nationales et départementales de France. Un voyage pas comme les autres, car Roger, 50 ans en décembre prochain, est hémiplégique du côté gauche. C’est un AVC (Accident Vasculaire Cérébral, survenu en 2013, qui lui a paralysé la jambe et le bras et qui a bouleversé sa vie.

« Quand on entend le terme AVC, on se dit tout de suite que le retour à la vie active ne sera plus possible, raconte cet infographiste indépendant. On pense que c’est cuit. Mais petit à petit, j’ai commencé à réhabiliter mon corps, à faire des exercices, j’ai remonté la pente et essayé de reprendre, entre guillemets, une vie à peu près normale. Avec des hauts mais aussi des bas, qui font stagner la progression pour aller mieux. C’est pour ça que j’ai décidé de me lancer dans un défi un peu fou : traverser un bout de la France en vélo, car je suis un vrai fan de la petite reine.

Et cela faisait un moment, bien avant mon accident, que je voulais parcourir une longue distance à vélo. Après mon AVC, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. Je ne suis pas passé loin de la fin, et je me suis rendu compte que la vie pouvait claquer en une fraction de seconde. »

Un tricycle spécial

Mais comment faire des bornes en vélo lorsque l’on est hémiplégique ? La réponse, Roger va la trouver au cours d’une séance avec son ergothérapeute, en 2014. « Je lui ai parlé de mon envie de faire du vélo, confrontée à mon incapacité de faire du deux roues, car l’AVC m’a fait perdre l’équilibre. Une partie de mon corps ne répond pas, je ne peux par exemple ni nager, ni courir. Il m’a expliqué qu’il existait un vélo couché à trois roues, une à l’arrière, deux à l’avant. Les Anglais appellent ça un « recumbent trike », une sorte de tricycle. Je me suis alors renseigné pour savoir si je pouvais en obtenir un pas trop cher pour mes finances.

Le mien a été fabriqué en République Tchèque. J’ai une pédale spéciale handicapé sur laquelle je pose et sangle mon pied gauche, celui qui est paralysé, pour qu’il reste bien accroché. C’est l’autre jambe qui bosse sur la pédale droite. Et je freine de la main droite pour les deux roues avant. »

Après deux ans passés à s’entraîner, la décision est prise : Roger, bien qu’habitant Jouy-le-Moutier (Val-d’Oise), s’élancera de Cugny pour relier Bordeaux avec son tricycle à raison de 50 km parcourus par jour. « J’ai choisi Cugny car je voulais éviter de traverser Paris pour rejoindre Bordeaux, mais aussi parce que je connais bien ce village et le secteur, où habitent pas mal de copains et d’amis proches, explique-t-il. Des gens qui ont été là pour moi, pour prendre de mes nouvelles pendant ma convalescence. C’était un endroit symbolique. »

Coups de pompe

Parti à 7 h du matin le 15 août (« Malgré l’horaire et le jour particuliers, il y avait un peu de monde, j’ai été agréablement surpris » dixit Roger) avec une boussole, une carte, un peu de nourriture, du matériel de cyclotourisme – notamment des outils en cas de réparation -, un téléphone portable ainsi qu’un chargeur, le bonhomme n’a cessé depuis d’avaler les kilomètres, parfois en plein cagnard. « Au bord de la Vienne » ce 24 août, il s’est donné le 30 août comme deadline pour atteindre son but. Avec de jolis panoramas à contempler, souvent, mais aussi quelques petits coups de pompe, parfois.

« Il m’arrive dans la journée de me demander ce que je fous sur un tricycle dans la cambrousse quand j’en chie dans une montée sous 40 degrés, dit-il, rieur. Ça peut être super assommant. Heureusement que la roue arrière de mon équipement est dotée d’une assistance électrique pour me soulager quand ça ne va pas et que la route n’est pas toute plate. J’ai eu aussi de bonnes surprises de la part de ma jambe paralysée. »

« Ma quête »

Les différentes étapes se font en tout cas, exceptés le mercure record, la fatigue et le relief un peu ardu, « sans véritable accroc », poursuit Roger, qui rend compte de son périple de temps en temps sur son compte Facebook spécialement dédié et intitulé « Roger En Tricycle » : « J’essaye de me la jouer pèlerin, seul avec mon voyage, ma quête. Je prends de toutes petites routes pour ne pas être emmerdé avec la circulation. Souvent, je dors à la belle étoile, ce qui est facilité par la douceur de la nuit en ce moment. J’ai un hamac, que j’essaye d’accrocher quand je peux entre deux arbres.

Sinon, j’essaye d’alterner en dormant dans des petits hôtels rustiques histoire de recharger les batteries, celles de mon corps mais aussi de mon téléphone ! Et pendant le voyage, j’ai aussi pu me rendre compte de la belle solidarité des gens que j’ai pu rencontrer »

Une aventure humaine, qui doit donc s’achever cette semaine pour Roger. « Ce défi, c’est une façon de rendre hommage à ceux que j’ai pu croiser lors de ma rééducation, à l’hôpital, et qui étaient beaucoup plus mal en point que moi, souffle-t-il. À ceux qui m’ont aidé à remonter la pente et me soutiennent dans ma démarche. C’est pour eux que je fais tout ça. »

Nicolas FILLON
@Nicolas_FILLON


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26281

Trending Articles