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Au Bataclan, Didi, héros malgré lui

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Photo Christophe Petit Tessan/ Max PPP
Photo Christophe Petit Tessan/ Max PPP

À Sénart, on l’appelle Didi. Il a 35 ans. Il est Algérien. Son dada : les sports de combat. Un mec « normal » qui mène une vie tranquille et qui, depuis 10 ans, est chargé de la sécurité au Bataclan. Un mec « normal » dont la vie ne sera plus tout à fait comme avant. Un mec « normal » qui ne veut pas en faire des caisses sur ce qui s’est passé ce soir-là.

Mais, quoi qu’il en dise, Didi n’est plus ce mec « normal » d’autrefois. Didi, aujourd’hui, c’est un véritable héros. Pas facile pourtant de convaincre ce Sénartais de s’exprimer sur les attentats du 13 novembre. Il faut dire que les images de cette nuit d’horreur hantent encore ses nuits d’insomnie. Pour la Rep’, il raconte, avec un calme déconcertant, le déroulé des événements. Le videur du Bataclan préfère garder l’anonymat et n’accorde que de rares interviews.

« Un geste suicidaire »

« Je ne me vois pas fanfaronner, explique-t-il, par pudeur, et surtout par respect pour les gens qui sont encore entre la vie et la mort. »

Et d’avouer, humble :

« Mon geste n’avait rien de prémédité, j’ai agi sans réfléchir. Si j’avais pris le temps de la réflexion, je me serais peut-être enfui. Avec le recul, je réalise que c’était suicidaire. »

Mais Didi n’a pas pris ses jambes à son coup, quand il a vu débarquer les terroristes armés de leur kalachnikov. Au contraire. « J’étais à l’entrée. Ils sont arrivés à pied, je les ai vus apparaître derrière le camion de la tournée des artistes. Ils ont commencé à me tirer dessus. J’ai entendu une vitre exploser. J’aurais pu partir depuis le début. Mais je suis entré en criant « vite, ça tire, ça tire ! ». Je voulais évacuer un maximum de personnes, par l’arrière. Il y a une sortie de secours dans les loges des artistes que le public ne connaît pas. Il fallait que je les guide. »

Mais pas le temps d’arriver aux portes de sortie. Les djihadistes ordonnent aux spectateurs de se mettre à plat ventre et entament leur discours sur la politique française, sur Hollande et « les frères en Syrie ». « Je me suis dit que j’allais y passer », raconte le Sénartais qui éteint alors son talkie-walkie pour ne pas se faire repérer.

« J’aurais pu mourir trois fois »

La chance de Didi- si on peut dire- c’est qu’au moment de recharger leurs armes, les agresseurs se trouvaient au niveau du bar, à l’entrée de la salle. Profitant de l’occasion, le videur se lève et pousse alors un grand cri, invitant les otages à le suivre. Les terroristes se remettent à tirer.

« J’aurais pu mourir trois fois, réalise le sauveur. Lorsque j’étais à l’entrée. Allongé au sol, on était tous à leur merci. Et quand j’ai fait sortir les gens par l’arrière. »

Une fois dans la ruelle, des étudiants de la résidence voisine ont ouvert leurs portes afin de mettre les rescapés à l’abri. « Il faut souligner leur grand courage car ils ont bravé leur peur pour notre sécurité », insiste Didi, bouleversé. « Ce qui est choquant, c’est de voir que certains utilisent la religion pour justifier leurs actes. » Les retranchés attendent pendant deux heures, la peur au ventre. « Je faisais des allers-retours pour voir s’il y avait d’autres personnes qui sortaient du Bataclan à faire entrer dans la résidence ».

« Il assure dans son boulot »

Une attitude qui est loin d’étonner Adama, un ami d’enfance. « Didi a toujours assuré dans son boulot. La dernière fois qu’il a fait preuve de diplomatie, c’était au Quai 54, ce grand événement de basket-ball à Paris où Mickaël Jordan avait fait le déplacement. Il a su gérer des conflits et des mouvements de foule. »

Et de poursuivre :

« C’est quelqu’un qui a le cœur sur la main. Je l’avais encore tout à l’heure au téléphone, il garde le sourire malgré tout. On se marre toujours bien avec Didi. On a fréquenté la MJC ensemble. On allait en soirée. C’est quelqu’un de calme et qui n’aime pas se faire remarquer.”

En effet, dans le vacarme médiatique, Didi ne veut pas faire de bruit.

« Je sais que le maire de la ville où j’ai grandi cherche à me contacter mais je ne veux pas de récupération politique sur cette tragédie, conclut-il. Ce qui me fait plaisir, ce n’est pas de voir mon nom dans la presse, c’est surtout d’apprendre que les gens que j’ai aidés se sont mis à ma recherche pour me remercier. Et ça, ça fait chaud au cœur. »

Un héros malgré lui dont vous ne verrez donc pas la frimousse dans les journaux.

Un héros malgré lui qu’à Sénart, on appelle Didi. Il a 35 ans. Il est Algérien. Et sa vie n’aura jamais plus rien de « normal ».


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