La République de Seine-et-Marne : Cela fait pratiquement quatre mois que la commissaire enquêtrice a donné un avis favorable au projet de centrale d’enrobage à chaud. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Alexandre Faro : Nous sommes dans l’attente d’une décision du préfet, qui devrait intervenir en septembre ou octobre prochain. En matière de police administrative, ce n’est pas sous la forme d’une plainte que notre action sera menée. C’est l’acte administratif du préfet que l’on attaquera en justice si APRR obtient gain de cause pour construire sa centrale d’enrobage à chaud afin de fabriquer du bitume pour entretenir les routes et autoroutes.
Pourquoi le projet ne passe-t-il pas auprès de la population ?
Cela se passe presque de commentaires : la dangerosité et le caractère nuisible du projet ne sont plus à démontrer. APRR veut installer son usine de manière fixe à quelques mètres des premières habitations, et sur un site inscrit sur la carte communale comme inconstructible. Les gaz toxiques et pour la plupart cancérigènes qui s’en échappent font beaucoup craindre pour la santé des riverains et l’état des cultures environnantes, sans oublier le risque d’explosion qui est plus que sous-estimé.
Malgré les réserves expresses et indissociables émises par la commissaire enquêtrice qui a expliqué que le projet n’était pas acceptable en l’état, ce dernier à quand même eu un avis favorable. Comment l’expliquer ?
Dans la pratique, un commissaire enquêteur ne doit pas être un frein à un projet et donne dans la majorité des cas un avis favorable. S’il se met à faire l’inverse, il ne va plus avoir beaucoup de boulot… Pour ma part, j’interprète la liste importante de réserves comme un avis défavorable. Le dossier fourni par APRR n’est pas complet et fourmille d’inexactitudes, les habitants n’ont absolument pas été sondés et l’impact sur la santé et l’environnement n’a pas été suffisamment évalué. Il faut savoir que c’est avant tout pour faire des économies que Le Puy, situé à proximité de l’autoroute, a été choisi par APRR.
Pourtant, APRR était déjà présent à Le Puy par le passé et n’avait pas semblé susciter une telle levée de boucliers…
Je peux vous dire que des habitants étaient allés se plaindre auprès de l’ancien maire de l’unité mobile qui avait été mise en place par APRR lors des années précédentes. Malgré le caractère plus occasionnel de celle-ci, la pollution sonore et toxique avait été ressentie. Mais à l’époque, APRR avait réussi à rendre son projet d’usine fixe acceptable par le conseil municipal, avec des arguments comme la création d’emplois, la taxe professionnelle, bref, beaucoup de retombées positives pour la commune sans que la question des nuisances ne soit vraiment abordée. C’est plus facile que de convaincre plusieurs centaines d’habitants en colère…
Comment évaluez-vous la détermination des habitants à combattre le projet ?
APRR ne s’attendait pas à une telle résistance. Il faut dire que les conséquences sur la vie de la population de Le Puy seraient énormes. Cela ne relève pas seulement du domaine de la santé publique et de l’écologie. C’est l’impact patrimonial qui va en prendre un sacré coup. Nombreux sont ceux qui se sont endettés pour construire une belle maison à la campagne pour pouvoir vivre paisiblement. À partir du moment où une maison se construit à côté de chez soi, la pierre ne vaut plus rien, le bien immobilier est dévalué et invendable… Ce projet est vécu comme une véritable agression par les habitants, et il est impossible selon moi de le mener contre l’avis général des citoyens. Autant vous dire que nous sommes dans les starting-blocks pour attaquer la décision du préfet si par malheur, ce dernier venait à donner raison à APRR.