Un regroupement “potentiellement dangereux” et un régime qui ne s’apparente “ni à la détention ordinaire, ni à la mise à l’isolement.” Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié, ce mardi 30 juin au journal officiel, le rapport concernant la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral. “Un phénomène qui pose des questions extrêmement complexes, car il doit concilier l’exigence de sécurité et l’indispensable respect des droits fondamentaux des personnes détenues“, indique le rapport.
Visite à Réau
Dans cet avis, Adeline Hazan se positionne contre le dispositif de regroupement de détenus considérés comme islamistes radicaux, comme il a été mis en place à Fresnes (Val-de-Marne) depuis la fin de l’année dernière. Le document de la CGLPL a été réalisé notamment grâce à la visite de plusieurs centres pénitentiaires, dont celui du sud-francilien, le 22 janvier dernier. Le rapport pointe un établissement “complexe” où [...] “le prosélytisme est un phénomène réel, et l’on peut observer les progrès de l’islamisme radical.”
Toutefois, “la pratique ostentatoire d’un islam rigoureux” touche à Réau “des personnes détenues de droit commun autant, sinon plus, que le petit nombre de ceux qui sont incarcérés pour des actes liés au terrorisme.” En outre, les détenus “qui influencent le plus les autres ne sont pas des plus visibles et le repérage des prédicateurs devient de plus en plus difficile.” D’après le rapport, il est arrivé qu’une personne a l’isolement “puisse acquérir ou conserver de l’influence sur ses codétenus.”
“Pressions intolérables”
Après divers échanges avec le personnel du centre pénitentiaire du sud-francilien, il apparaît une “situation de plus en plus compliquée” qui influe sur le travail de certains agents de l’administration pénitentiaire. A la prison de Réau, des fouilles de cellules de détenus présentés comme “islamistes radicaux” avaient justement été réalisées quelques jours après les attentats de janvier. Mais si le centre pénitentiaire du sud-francilien a un temps été pressenti pour faire partie des sites pilote pour accueillir des unités de regroupement de “personnes radicalisées” , il n’a finalement pas été retenu.
Le rapport détaille pourtant que “l’ensemble des acteurs rencontrés estime qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour protéger les autres personnes détenues de pressions qui deviennent intolérables.” Et d’ajouter : “Un isolement des plus radicaux pourrait avoir un impact positif” mais de manière simultanée “avec une prise en charge pour ceux [dont] l’endoctrinement est encore réversible.” Des surveillants de Réau seraient d’ailleurs volontaires mais “il serait nécessaire d’avoir des agents aguerris pour mettre en oeuvre un régime de détention défini de manière très claire et très précise.”
“La surpopulation carcérale – que les autorités n’ont pas su endiguer – nourrit le prosélytisme et favorise l’emprise des personnes détenues radicalisées sur les plus fragiles.”
Dans ses conclusions, Adeline Hazan pointe le fait que ce phénomène de radicalisation “est ancien et n’a pas suffisamment été pris en compte par les pouvoirs publics.”Un regroupement de détenus radicalisés dans des unités dédiées présente selon elle des risques, notamment avec une cohabitation de personnes “à des niveaux d’ancrage très disparates dans le processus de radicalisation”.
L’absence d’informations sur les modalités d’encadrement et les conditions de détention de ces “nouveaux quartiers de regroupement laisse craindre un éventuel glissement de ce régime vers un isolement de ces personnes.” Pis, “la surpopulation carcérale – que les autorités n’ont pas su endiguer – nourrit le prosélytisme et favorise l’emprise des personnes détenues radicalisées sur les plus fragiles.”
Un facteur qui ne concerne pas Réau puisque le centre pénitentiaire du sud-francilien n’est pas en situation de surpopulation, contrairement à la majorité des prisons françaises. Dernière recommandation, celle des programmes de “déradicalisation” pour lesquels le CGLPL demande une évaluation continue de leur déroulement. D’après la ministre de la Justice, 190 personnes étaient détenues pour des faits de terrorisme en juin 2015. Elles étaient 90 en décembre 2013.