Le président de la cour d’assises (en robe rouge) Cyril Vidalie, entouré de ses deux assesseurs ; à gauche William Delamarre et à droite Mickaël Touche.
Mercredi 16 janvier 2019 s’est ouvert l’audience de la cour d’assises du Lot devant laquelle comparaît jusqu’à vendredi 18 janvier, Jean-Paul Gouzou, accusé d’avoir « avec préméditation, volontairement donné la mort » à Djeneba Bamia, son épouse, 37 ans. Les faits reprochés lui font encourir une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Tuer sa femme : « la seule solution »
Dans un premier temps, Cyril Vidalie, président de la cour, présente les faits reprochés à l’accusé. Vendredi 3 mars 2017, aux alentours de 9 heures, au lieu-dit Le Theil, commune de Gorses, dans le haut Ségala, après avoir tué son épouse à l’aide d’un fusil de chasse, en tirant trois coups, Jean-Paul Gouzou appelle les gendarmes. Cet agriculteur à la retraite avait attendu l’arrivée de sa femme en voiture dans la cour de la ferme, alors qu’elle venait de déposer les enfants à l’école. Il s’était caché derrière un muret de pierres. Après qu’elle eût coupé le moteur de sa voiture, il donne un premier coup de fusil, se rapproche pour tirer une deuxième fois et contourne le véhicule pour un troisième coup de feu. Les débats vont apporter diverses précisions sur la scène de crime, qui feront l’objet de développements ultérieurs.
L’accusé indique aux gendarmes qu’il avait mûri son projet avant de prendre sa décision la veille du 3 mars et de faire ses valises pour son départ en prison. Le couple était en instance de divorce et Jean-Paul Gouzou faisait valoir qu’il supportait mal l’éloignement de ses trois enfants. L’accusé était opposé au départ de Mme Bamia au Mali où elle avait prévu de se rendre avec les enfants pour quelques jours. Par ailleurs, il est fait état de plusieurs plaintes et d’un rappel à la loi concernant M. Gouzou, pour violences conjugales.
« J’ai reconnu les faits, j’en suis malheureux, j’ai tué ma femme que j’aimais le plus au monde, j’ai tué la mère de mes enfants. Mais je ne pensais pas pouvoir faire autrement, car je savais qu’en allant au Mali, ils risquaient leur vie » tels sont les premiers mots de Jean-Paul Gouzou à la fin de la lecture de l’acte d’accusation.
Un homme instruit et engagé
Jean-Paul Gouzou est né à Gorses en 1950. Après l’école communale, il poursuit sa scolarité dans le Cantal. Le bac en poche, il intègre l’école d’ingénieur agronome de Purpan pour trois ans, avant de reprendre l’exploitation familiale. Il est commandant de réserve dans la gendarmerie. Il se marie une première fois en 1982 et sera le père d’une fille. Le couple se sépare dans un premier temps avant de renouer pour une période d’une quinzaine d’années, jusqu’à la rupture définitive. Dans le même temps, Jean-Paul Gouzou se voit confier des responsabilités syndicales qui vont le conduire au Mali, en vue de l’organisation d’une filière interprofessionnelle bovine. C’est à l’occasion de ces déplacements qu’il fait la connaissance de Djeneba Bamia, exerçant la profession d’agent vétérinaire. L’accusé indique avoir envisagé de s’installer au Mali. Le mariage religieux à lieu au Mali dans la religion musulmane de Mme Bamia, alors que Jean-Paul Gouzou était en France. « Oui, oui, c’est bien comme cela que ça s’est passé ! » soutient l’accusé. Le couple se présentera ensuite devant le maire de Gorses en juillet 2008. Trois enfants naîtront de cette union, deux filles et un garçon. Djeneba suit une formation en vue de devenir chef de l’exploitation agricole en 2012, date à laquelle l’accusé fait valoir ses droits à la retraite.
Le couple aurait connu ses premières difficultés à partir de l’été 2015 et aurait fait chambre à part à partir de mars 2016, jusqu’à la séparation quelques mois après.
Le président Vidalie s’intéresse aux circonstances de ce mariage, alors que Djeneba Bamia est musulmane. « Mais comme j’étais très bien accepté par la belle famille, il n’y a pas eu de problème ! » assure M. Gouzou. Les enfants portent un prénom chrétien, suivi d’un prénom musulman et ont été baptisés dans la religion catholique.
La guerre au Mali et l’excision
L’accusé explique à maintes reprises durant cette première journée d’audience qu’il était opposé au départ de Mme Bamia au Mali avec ses enfants, précisément en raison du climat d’insécurité qui règne dans le pays depuis le coup d’État survenu en mars 2012. Il met aussi en avant sa crainte que ses deux filles puissent faire l’objet d’une excision ; une pratique courante dans la tribu dont est issue son épouse.
Une infirmière engagée dans une ONG pour la lutte contre l’excision au Mali et en France, affirme à la barre du tribunal que la pratique de l’excision reste un fléau dans ce pays et notamment dans la tribu à laquelle était rattachée la victime. Elle déclare : « Une enfant qui naît en France et qui arrive au Mali est considérée comme Malienne et va donc être excisée, car une fille non excisée ne pourra pas être mariée. » Ce témoin cité par la défense, termine sa déposition en déclarant « comprendre que Jean-Paul Gouzou ait cherché à empêcher ses enfants de se rendre au Mali. »
A l’issue de ce premier jour d’audience, l’interrogatoire musclé du président Vidalie, n’a guere ébranlé l’accusé, qui ne cesse de répéter avoir tué sa femme « pour protéger ses enfants ».
Jeudi 17 janvier les débats se poursuivent avec les expertises psychologiques et psychiatriques de l’accusé, les auditions des parties civiles et les plaidoiries. Se sont constituées parties civiles : la famille de la victime, le compagnon de la victime, la fédération nationale de solidarités femmes et l’UDAF du Lot administrateur ad hoc pour les trois enfants.
Vendredi sont programmés le réquisitoire de Frédéric Almendros avocat général, suivi des plaidoiries de la défense avec maître Edouard Martial et maître Sylvia Goudenege-Chauvin.
JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE