La chronique continue. Les gilets jaunes sont toujours mobilisés. Tous les samedis, depuis plus de deux mois, les mêmes images défilent sur les écrans. Des dizaines de milliers de manifestants descendent dans la rue. Emmanuel Macron a débloqué des milliards d’euros et reculé sur la fiscalité « carburants ». Le contre-feu n’a pas éteint l’incendie. Le foyer perd en intensité. La mobilisation est passée de plus de 300 000 personnes à moins de 100 000. Le soutien de l’opinion s’effrite et reste tout juste majoritaire.
LIRE AUSSI : Acte IX des Gilets jaunes à Toulouse : mobilisation en hausse et débordements en fin de manifestation
Une colère trop forte…
Malgré tout, la crise est loin d’être derrière nous. La colère est trop forte et profonde pour s’évaporer sous l’effet du temps qui passe et de la lassitude qui gagne. Pour trouver une issue, Emmanuel Macron a inventé un Grand débat national. Une telle consultation est unique sous la Ve République. Il n’existe pas de précédent.
LIRE AUSSI : Grand débat national : ce qu’il faut savoir sur son organisation
C’est plutôt cohérent car la crise actuelle est également inédite. La France a connu les barricades de mai 68. Elle a vécu une (quasi) guerre civile en 1962, avec les attentats de l’OAS. Mais les « gilets jaunes » sont une Jacquerie aussi nouvelle qu’inattendue.
Vers 4 à 5 millions d’avis attendus
À situation extraordinaire, réponse exceptionnelle avec un débat hors-norme. Évidemment, il est trop tôt pour tirer une conclusion. Néanmoins, les interrogations sont nombreuses. La première concerne la participation. 40 % des Français se disent prêts à participer. 4 à 5 millions de personnes pourraient donner leur avis sur internet ou se déplacer.
Si ce score est atteint, Emmanuel Macron pourra être satisfait. Ce sera une sorte de « validation » de la méthode. Mais, surtout, politiquement, le chef de l’État reprendra la main. Il pourra invoquer le Grand débat pour « marginaliser » les Gilets jaunes. Des Gilets jaunes qui affirment d’ailleurs (massivement) ne pas vouloir participer.
LIRE AUSSI : Grand débat national : à Toulouse, des formulaires à disposition dans les mairies de quartier
Un socle de 25 à 30% de soutien
Emmanuel Macron continue à bénéficier d’un socle de 25 à 30 % de soutien. Quelle que soit l’issue de la consultation, le chef de l’État peut espérer le solidifier et même l’étendre. Le retournement de l’opinion vis-à-vis remonte à l’explosion des violences. En se drapant dans la tunique de celui qui écoute et tend la main, Emmanuel Macron « repousse » les gilets jaunes dans le camp des « factieux ».
Le Grand débat, avant même son lancement, constitue un « atout » tactique pour l’Élysée. L’exercice a toutefois des limites. Le véritable enjeu c’est « quelles conclusions et quelles actions ». Et là c’est loin d’être évident.
LIRE AUSSI : Manifs des gilets jaunes à Toulouse : la facture s’élève à 2,6 millions d’euros pour la collectivité
Usine à gaz ?
Le Grand débat est une formidable usine à gaz. Les tuyaux partent dans tous les sens : citoyens, associations, élus, réunions en mairies, site internet, citoyens tirés au sort… Mais ce sont surtout les demandes qui risquent de partir en l’air. Les maires ruraux ont remis une synthèse des « cahiers de doléances ».
LIRE AUSSI : Toulouse : un gilet jaune met à disposition un cahier de doléances en ligne
Les revendications partent tous azimuts. Emmanuel Macron a cadré le Grand débat. Mais le premier défi est que le débat débouche sur des propositions concrètes et surtout « transformables » en actes.
Attention au grand déballage
L’Élysée promet que la parole des Français va se transformer en décisions. C’est facile à promettre. Beaucoup plus compliqué à faire. Et c’est pourtant vital. Le Grand débat ne doit pas tomber dans un grand déballage, sans utilité ni finalité.
Autrement, le remède va aggraver le « mal ». Emmanuel Macron est au cœur de la crise des gilets jaunes. Il est directement visé et accusé de faire preuve d’arrogance, de mépris. Sans résultats concrets et tangibles, perceptibles et réels, le Grand débat se réduira à un « causes toujours ».
Mais, surtout, la consultation nationale peut renforcer le profil « punching-ball » d’Emmanuel Macron. Pour l’Élysée, le Grand débat c’est une tentative de sortie de crise. Mais la planche de salut peut se transformer en nouveau fagot dans le bûcher. Verdict dans les prochains mois.
LIRE AUSSI : Impact des manifs des Gilets jaunes à Toulouse : un « plan Marshall » pour soutenir les commerçants
Laurent Dubois